J'ai de la chance

Les "sociaux", il faut bien l'admettre, pour un.e juriste, c'est une planète un peu étrange : alors que mon monde est peuplé de bases légales, d'articles et d'alinéas, de doctrine et de jurisprudence, de tribunaux et de contrats, le leur est parsemé de "valeurs", de "conviction", de "soutien", de "charte", de "déontologie", de "regards critiques sur la société".

Je ne vous cacherai pas que durant les deux premières années au sein de cette  équipe hétéroclite, je n'ai juste rien compris à rien : qui aura déjà essayé de suivre une discussion entre un sociologue et un ethnologue aura de l'empathie pour mon désarroi. 

A ma décharge, je ne vois pas comment j'aurais pu d'emblée m'y retrouver : ma collègue de bureau est passionnée par les jardins communautaires, mon voisin un spécialiste de l'âge avancé et la femme assise deux portes plus loin une experte en matière d'addictions, tandis que devant la photocopieuse ou la machine à café, je croise de fins connaisseurs de la petite enfance, de l'autisme, des questions de genre ou encore de la thanatologie. Vous admettrez qu'il y a de quoi en perdre son latin. 

Ce matin, avant le début du cours, tentant d'endiguer le flot incessant de mails qui tombent dans ma boîte professionnelle, j'ai levé le nez trois minutes. J'ai alors pris soudainement conscience de tous ces objets que j'ai reçu de ces "E.T" au cours des douze derniers mois et que j'ai gardés à côté de mon ordinateur et sur ma bibliothèque. 

Une magnifique tasse d'un potier, du thé parfumé, du chocolat de luxe (lui, je l'ai mangé dès réception mais ai gardé la petite note qui l'accompagnait), un sirop particulier, des bougies, des loukoums, un roman et j'en passe. 

Y a pas à dire : les "sociaux" sont peut-être un peu étranges mais je suis à chaque fois touchée qu'ils soient aussi reconnaissants juste parce que j'ai... fait mon boulot de juriste !

Et vous, vos collègues prennent-ils soin de vous ?  

A bientôt si vous le voulez bien,