lundi 15 décembre 2008

Eclairage

Depuis la rentrée 2008 - 2009, le canton de Vaud offre aux jeunes filles scolarisées et âgées de 12 à 20 ans la possibilité de bénéficier gratuitement du vaccin "HPV", dans le but de lutter contre le cancer du col de l'utérus.

Je ne tiens pas à entrer dans un débat "pro" ou "contra", chacun ayant son opinion au sujet des vaccins. De plus, je ne vais pas me fendre d'explications médicales, n'étant pas qualifiée dans ce domaine : les liens ci-dessus vous en donneront de bien meilleures.

En revanche, mon billet du jour a pour objet une question qui ne suscite guère de remous mais qui devrait, malgré tout et à mon avis, être examinée avec une certaine attention par les médecins réalisant les trois injections nécessaires à ce vaccin.

Dans le meilleur des cas, la décision d'accepter la vaccination aura été prise conjointement par les parents et l'adolescente. Parfois, elle l'aura été surtout par les parents, un peu par l'adolescente qui ne s'y est pas opposée, préférant réserver ses forces au grand combat "je veux un téléphone portable pour Noël" (avec la variante "j''utilise l'ordinateur dans ma chambre, mes parents, y z'ont pas besoin de lire ce que j'écris à mes copines sur msn").

Dans les deux cas, la vaccination sera faite et "l'affaire" réglée.

Quid en revanche si les parents sont totalement opposés à l'idée qu'une aiguille autre que celle de couture approche leur fille, alors que Ado, elle, aimerait bien pouvoir bénéficier dudit vaccin ?

Tout acte médical nécessite ce qu'on appelle un "consentement éclairé" (voilà enfin le pourquoi du comment de cette photo supposée illustrer mon billet du jour : je sais, j'aurais pu trouver mieux mais franchement, un utérus, comme image, ça le faisait un peu moins).

Ledit consentement impose au médecin d'informer le patient en particulier sur les risques du traitement, les alternatives éventuelles, les coûts, le déroulement et les effets secondaires potentiels.

Et un consentement ne peut être donné valablement que par une personne "capable de discernement". Étrangement mais comme souvent, le législateur donne de la capacité de discernement une définition par l'exclusion, ceci à l'art. 16 du code civil (suisse) (CCS) :

"Toute personne qui n’est pas dépourvue de la faculté d’agir raisonnablement à cause de son jeune âge, ou qui n’en est pas privée par suite de maladie mentale, de faiblesse d’esprit, d’ivresse ou d’autres causes semblables, est capable de discernement dans le sens de la présente loi".

Mes connaissances datant "un peu" dans ce domaine, je suis parti à la recherche de mon manuel de cours "de l'époque"; après avoir enlevé la poussière, j'y ai lu que "la capacité de discernement d'une personne doit être admise (...) lorsque l'intéressé a la faculté d'agir raisonnablement".

Ce qui ne nous avance guère et je vais de ce pas anticiper la question prochaine : qu'est-ce que la faculté d'agir raisonnablement ?

"La faculté d'agir raisonnablement (...) fait référence à la pensée et à la volonté de l'individu. Elle suppose réunies deux aptitudes. Il y a d'abord l'aptitude intellectuelle, par laquelle il faut entendre la faculté de comprendre et d'apprécier correctement une situation déterminée et celle de se former une motivation et une volonté qui ne soient pas tout à fait à l'écart des valeurs acceptée par la société (...). En plus de l'aptitude intellectuelle, l'art. 16 exige que la personne ait une aptitude à agir en fonction de sa volonté, c'est-à-dire sur la base de la volonté que l'individu est apte à se former lui-même".

Si je ne sais toujours pas ce que peuvent être les "valeurs acceptées par la société", je me suis souvenue de l'exemple que mon prof nous avait donné lors de ce cours.

Imaginez un petit garçon de quatre ans. Il est capable de comprendre qu'il est dangereux de traverser la route sans regarder le trafic. En revanche, lorsque son copain envoie le ballon de foot de l'autre côté de la rue, il n'est pas capable de se déterminer par rapport à cette information et... se jette sous les roues du camion.

A ce stade-là, nous pouvons retenir
a) qu'il ne faut pas offrir de ballon à un petit garçon,
b) que mon exemple est nul parce que le vaccin HPV n'est pas administré aux garçons.

Plus sérieusement, il se pose donc la question de savoir à partir de quand le "jeune âge" de l'art. 16 CCS n'est plus un motif d'incapacité de discernement. En d'autres termes, à partir de quel âge Ado va pouvoir obtenir une vaccination même contre l'avis de ses parents.

Ici, la doctrine n'est pas d'une grande aide parce que, je cite, "l'art. 16 mentionne (...) le jeune âge (...). La loi ne fixe pas d'âge déterminé ("l'âge de raison") à partir duquel la personne n'est plus considérée comme ayant un jeune âge. (...) Le jeune âge peut être la cause d'une altération de la faculté d'agir raisonnablement dans certains cas (...) mais non dans d'autres (...)".

Donc, retour à la case départ. Ou presque. On peut en effet admettre, tout d'abord, que plus Ado approchera l'âge de la majorité, plus sa capacité de discernement devra être admise. Toujours en d'autres termes, la présomption, réfragable, est la suivante : Enfant (et donc Bébé à plus forte raison) est incapable de discernement, tandis qu'Ado est chaque année plus susceptible d'avoir la capacité de discernement.

Ainsi, il n'est pas abusif de considérer qu'Ado est capable de comprendre à quoi sert la vaccination HPV, quels sont les risques éventuels, comment se déroule cette prise en charge, quelles sont les alternatives et, en fonction des renseignements obtenus, de se déterminer.

Bref, si Ado a douze ans, je tenterais, en tant que médecin (que je ne suis pas) de convaincre les parents d'accepter la décision de leur fille et dès qu'Ado a treize ans, je consacrerais le temps alloué encore une année auparavant à un échange avec les parents récalcitrants à déterminer si Ado a bien compris l'enjeu de ce vaccin et si elle me semble avoir la maturité suffisante pour décider seule d'un tel acte.

Je pense donc que le toubib de l'établissement scolaire serait bien avisé de vérifier si
a) Ado dont la feuille signée par les parents comporte un "accord pour vaccin" est elle aussi convaincue de la nécessité de ce geste
b) Ado partage l'opinion selon laquelle le vaccin doit être fait mais... pas sur elle.

Il se pourrait que dans le premier cas, il soit judicieux de renoncer à vacciner une adolescente contre son gré, tout comme il pourrait l'être de vacciner une adolescente contre la volonté de ses parents.

A bientôt si vous le voulez bien,

Andreas Bucher, Personnes physiques et protection de la personnalité, Helbing&Lichtenhahn, 2e édition, pp. 32ss

6 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. Comment peut on hésiter ?
    Le vaccin contre l'HPV protège efficacement contre le cancer du col de l'utérus. Ce cancer n'EXISTE PAS chez les femmes n'ayant pas eu de relations sexuelles.
    Refuser à "Ado" de le vacciner au nom de je ne sais quelle crétinerie devrait être poursuivi pour non assistance à personne en danger.
    Par comparaison c'est comme déconseiller le port du préservatif au motif que les convictions quelles qu'elles soient s'y opposent !!

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  3. Justement, à mon sens, il convient de s'assurer que le refus n'est pas le seul fait des parents, qui ont (souvent et dans cette situation) un autre blocage : aborder avec Ado la question de la sexualité. Heureusement, un vaccin non fait à 12 ans peut l'être encore à 15.

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  4. Oui, tu as raison, mais sous prétexte de ne pas oser aborder la sexualité, pour des raisons propres (si on peut dire) aux parents qui refusent, ils sont X années plus tard responsables de la survenue d'un cancer du col utérin.

    Qu'Ado refuse d'aborder ou ne puisse aborder la sexualité avec ses parents peut se comprendre, encore que la responsabilité des parents me parait en l'occurrence sévèrement engagée. Mais je ne peux pas comprendre que sous prétexte qu'une vaccination ait quelque chose à voir avec l'activité sexuelle, on fasse des minauderies sur le sujet (tu n'es pas visée, bien sûr).
    Il s'agit de la vie, nom d'un pipe ou de sa perte par là où elle et donnée !!!

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  5. A posteriori, une synthèse est possible, un peu de droit, un peu de médecine, une peu de bon sens.

    Ceux-là, sont faits pour s'entendre. 8-{))))

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  6. Ma fille qui a bientôt 14 ans ne souhaitait pas se faire vacciner tout de suite, préférant réfléchir (sous entendu, mieux comprendre l'utilité de cette vaccination), bien que mon opinion était contraire à la sienne. J'ai respecté son choix lui laissant encore du temps pour y réfléchir et obtenir des informations supplémentaires qui viendraient nourrir sa réflexion.Cela dit, il n'était pas aisé de mettre en perspective sa future vie sexuelle et de tenter de la convaincre de la nécessité de ce vaccin. Cependant, deux gynécologues de ma connaissance, dont le mien qui a 4 filles, ont élargi ma vision des choses. Les ayant vus récemment, m'ont fourni l'info tant attendue (avaient-ils vacciné leurs filles ou non?). Oui, ils l'avaient fait, en m'expliquant le bien fondé de la démarche, me permettant dès lors d'expliquer correctement à ma fille, quelle attitude était sans doute la meilleure pour l'avenir de son utérus. Elle a fait montre de bon sens et finalement a accepté cette idée, tout en me faisant remarquer que le vaccin était relativement récent sur le marché(5ans)et que l'on ne savait pas s'il protégeait une vie entière...
    Mais peut-on prendre le risque de passer à côté d'un vaccin qui peut peut-être vous sauver la vie?...Notre responsabilité de parents est engagée de façon bilatérale, avec ou sans vaccin. Je pense que le bon sens doit l'emporter. Permettre à une Ado de comprendre ce qui est bien ou non pour elle, relève de notre entière responsabilité. A 14 ans, on a pas le recul nécessaire pour se projeter dans l'avenir. Les parents, si.

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