mardi 2 décembre 2008

Fôte d'erreur

Le législateur fédéral s'est trompé.

Non, je reprends.

Il a d'abord eu (enfin) "tout juste" en accordant un congé maternité de quatorze semaines par le biais des art.
16b à 16h LAPG. Puisqu'il lui a fallu 50 ans pour "accoucher" de cette réglementation, je ne vais pas avoir le toupet d'en critiquer la durée, fort chiche mais je n'en pense pas moins.

En aparté : les non Suisses apprendront ici, probablement avec un certain étonnement, que les allocations maternité sont réglées dans une loi qui a pour titre "loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité" : voyez-vous, en Suisse, la maternité est une sorte de "service"... militaire !

Enfin, là n'est pas la question.

Je disais donc, le législateur s'est trompé.

Une fois
de lege ferenda, en ne prévoyant pas de congé paternité, laissant le soin au droit privé de traiter la question. En d'autres termes, laissant aux employeurs la latitude de réglementer cette période particulière de la vie d'un homme : à ma connaissance, quelques conventions collectives de travail (CCT) accordent cinq jours au père, pas de quoi faire des sauts de joie et, surtout, pas de quoi cheminer en famille bien longtemps.

Une deuxième fois de lege ferenda, en n'autorisant pas une femme à retourner travailler, même à temps partiel, au cours des quatorze semaines, sous peine de
perdre son droit aux allocations, comme le précise au demeurant le règlement.

Si je suis fort aise qu'il subsiste une interdiction totale de travailler durant huit semaines après l'accouchement en vertu de
l'art. 35a al. 3 LTr, je ne comprends pas pourquoi le législateur n'a pas permis une reprise à temps partiel. après cette première limitation de droit public. Non pas que les femmes suisses soient des acharnées du travail : il se trouve simplement que le montant de l'allocation maternité est plafonné.

Doublement d'ailleurs.

Une fois en vertu de
l'art. 16e LAPG, lequel prévoit que l'allocation représente 80% du revenu et une fois en vertu de l'art. 16f LAPG, qui limite à CHF. 172.- par jour le montant pouvant être perçu par une femme durant son congé (à moins qu'elle n'ait été arrêtée pour cause d'accident avant la naissance, dans quel cas le plafond sera plus élevé, les limites fixées par l'OLAA trouvant alors application mais c'est de nouveau une autre histoire).

En d'autres termes, lorsque le salaire de la travailleuse est fort modeste, son congé maternité aura pour elle et sa famille un coût important, qui peut la mettre dans une situation difficile. Mais bon, ça, de toute évidence, ce n'est pas le problème du législateur mais... des oeuvres sociales.

Toutefois, toujours de lege ferenda, plutôt que d'autoriser un retour plus rapide, il aurait fallu plafonner uniquement les salaires élevés et non celui de la travailleuse "moyenne" et encore moins celui de la collaboratrice qui a un revenu faible.

Finalement, le législateur a commis, je crois, une "fôte d'erreur"(pour reprendre l'expression chère à tout cancre). En effet, la teneur de l'art. 16b LAPG est la suivante :

1. "Ont droit à l'allocation les femmes qui :
a. ont été assurées obligatoirement au sens de la LAVS durant les neuf mois précédant l'accouchement;
b. ont, au cours de cette période, exercé une activité lucrative durant cinq mois (...)

2. La durée d'assurance prévue à l'al. 1, let. a, est réduite en conséquence si l'accouchement intervient avant la fin du 9e mois de grossesse".

Jusqu'à là, très bien, une naissance prématurée n'étant jamais un choix, il est juste que celle-ci réduise la durée d'assurance obligatoire nécessaire à la perception des allocations.

Toutefois, l'art. 27 RAPG précise que "en cas d'accouchement prématuré, la période d'assurance fixée par l'art. 16b, al. 1, let. b, LAPG est réduite comme suit
a. à 8 mois si l'accouchement intervient entre le 8e mois de la grossesse et le terme;
b. à 7 mois si l'accouchement intervient entre le 7e et le 8e mois de la grossesse,
c. à 6 mois si l'accouchement intervient avant le 7e mois de grossesse".

Sauf que la let. b de l'art. 16b al. 1 LAPG traite de l'exercice d'une activité lucrative.

Moralité, je parviens à la conclusion que le législateur... paie mal sa dactylo !

A bientôt si vous le voulez bien,

7 commentaires:

  1. Un de mes chers amis, avocat, avait dit - il n'est plus de ce monde - qu'il avait fait beaucoup d'années de droit mais aussi plusieurs d'années de travers.

    RépondreSupprimer
  2. merci de toutes ces précisions fort intéressantes....Alicia

    RépondreSupprimer
  3. ... suite de mon premier commentaire

    ...mais aussi plusieurs d'années de travers, de là à penser que les législateurs suisses aussi ...
    Sous prétexte de vouloir venir en aide, car l'esprit de telles lois est sans aucun doute de cet ordre, la mise en oeuvre de cette aide se heurte sans doute à d'autres barrières venant en contradiction avec le but recherché.
    A titre de comparaison, et ce n'était pas une loi mais une autorisation d'indication thérapeutique, la mise sur le marché d'un médicament censé avoir une action bénéfique sur les nerfs périphériques était tellement contrainte en raison des effets secondaires possibles, que même un très grand patron de ma spécialité avait décrété que la prescription de ce médicament était impossible. L'épilogue a eu lieu quelques mois plus tard quand le médicament a été retiré du marché.

    RépondreSupprimer
  4. Et dans la vie, vous êtes juriste ?

    RépondreSupprimer
  5. Franklin, Coluche aurait également eu cette phrase, que j'aime d'ailleurs beaucoup. Et c'est vrai, parfois à vouloir faire le bien, on perd de vue les effets "secondaires", d'une loi ou d'un médicament.

    Allicia ;-))))) tu parles pas sérieusement quand tu dis que c'est "intéressant" ?!!

    Anonyme, et dans la vie, je suis... parfaite, voyons ! ;-))) Faut juste lire le titre et le profil et vous saurez tout (ou presque)

    RépondreSupprimer
  6. Ha lala
    je ne commenterai pas le "fond" du sujet, tu l'as très bien fait ici.
    Mais pour la forme....je suis souvent étonnée que les formulations savantes du droit s'accompagnent très souvent de fautes de français, voire d'orthographe.... (mon avocate est une calamité, je suis obligée de lui corriger nos courriers...)

    Plein de bises

    Gwen

    RépondreSupprimer
  7. JayK :-) : je ne t'avais pas reconnue, bienvenue ! Joli, la musique en accueil sur ton site !

    Si les fôtes ne sont pas exclues chez un avocat, j'avoue que j'ai eu du mal à garder mon calme le jour où, stagiaire, je me suis entendue dire par un client que le tribunal ne savait pas rédiger, juste parce qu'il avait utilisé l'expression "il appert que..."

    RépondreSupprimer