mercredi 15 septembre 2010

Un prénom pour la vie

Il y a des gens qu'on oublie dès qu'ils ont tourné les talons; il en est d'autres auxquels on pense souvent malgré le fait qu'on ne les a côtoyés que peu de temps.

Il en est, finalement, auxquels on pense sans les avoir jamais rencontrés.

L'histoire avait défrayé la chronique dans ma région, elle avait suscité beaucoup d'émotion "comment une femme peut-elle abandonner son enfant dans les toilettes publiques ?"

Je comprends cette colère, cette incompréhension : pour un enfant, débuter sa vie par un abandon n'est pas anodin. Et un jour, il apprendra qu'il n'a survécu que par hasard, découvert par des promeneurs qui fuyaient la pluie, et je ne sais pas s'il pourra comprendre le geste de celle qui l'a porté durant neuf mois.

J'espère sincèrement que ce jour-là, quelqu'un lui dira aussi qu'une femme peut être seule au point de ne pas pouvoir prendre soin de son enfant, désemparée au point de ne pas être capable de le confier aux services sociaux, totalement isolée en raison de son origine, de son âge, angoissée par les circonstances qui ont entouré la conception, au point qu'elle en vient à devoir se réfugier dans la clandestinité et à commettre un acte symboliquement lourd, tant pour elle que pour l'enfant.

Petit bout d'homme, je pense à toi, très souvent : né un jour de pluie, tu aurais trouvé, si j'en crois la presse locale, des bras pour te porter, des mains pour te caresser, des yeux pour te regarder, des épaules sur lesquelles t'appuyer, des coeurs pour t'aimer. Puisses-tu puiser dans cet entourage l'intime conviction qu'après la pluie vient le soleil, l'arc-en-ciel étant un pont entre deux états formant néanmoins une même réalité : la vie !

A toi qui as mis au monde cet enfant dans des circonstances tellement dures, sans soutien, sans aide, dans la douleur et une solitude totale, à toi qui porte ce terrible, ce lourd secret, puisses-tu toi aussi trouver des épaules sur lesquelles t'appuyer, des mains pour sécher ces larmes qui ne peuvent couler, des bras pour te protéger un peu contre le souvenir qui jamais ne s'effacera et qu'aujourd'hui, tu ne peux révéler.

3 commentaires:

  1. En effet, il y a des blessures qui ne guérissent jamais et faut-il apprendre à vivre avec ?

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  2. Chère Mary,
    Les abandons d'enfant ont toujours existé.
    Certains ont lieu à la naissance et d'autres plus tard, parfois beaucoup plus tard.
    Le lieu de naissance (ou la personnalité de la Maman) est tellement important. Certains de ces endroits sont presque une carte d'entrée VIP pour la misère et l'exclusion.
    Je pense aux mondes décrits par Cesbron, Dickens, Victor Hugo...
    Et c'est quand les responsables politiques ou religieux affirment "plus jamais ça" qu'il faut être le plus attentif. Un peu comme ceux qui disent "en vérité" ou "honnêtement" qui sont les moins crédibles.
    Nous avons tous en mémoire un (ou des cas) où il nous a été signifié que la "vie privée" était plus importante que la "vie".
    Amitiés

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  3. Sylphide, "il faut", certainement mais "peut-on" ?

    Armand, je le sais bien que les enfants abandonnés ont toujours existé; ce qui m'attriste, c'est qu'aujourd'hui, une femme puisse, en Suisse, ne pas voir d'autres issues que d'accoucher seule, dans des toilettes publiques ! Ca, ça m'affole, je trouve ça affreux qu'une personne puisse être si seule, si isolée qu'elle ne peut pas faire usage des différents points de "chute" qui existent pour les femmes qui ne peuvent pas garder leur enfant.

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