mardi 16 mai 2017

Dory

Devant l'ampleur de mon désarroi, mon médecin généraliste m'a envoyée il y a déjà quelques mois chez une neuropsychologue parce que "docteur, j'ai un problème, je ne sais pas lequel mais ma mémoire fout le camp, grave, souvent, tout le temps en fait" (je vous résume l'entretien, vous l'aurez compris). 

Verdict après deux heures de tests, ma mémoire est "dans la norme pour une personne de mon âge". 

D'un côté, c'était "rassurant", il était donc loisible à la Faculté d'exclure un Alzheimer précoce (et d'autres problématiques du même ordre), ouff. 

D'un autre, c'était totalement angoissant : "les autres gens, ils ont toujours eu une mémoire comme ça, ils vivent avec ça depuis toujours ? Mais comment font-ils ? C'est over galère !" (Je copie François parce que figurez-vous, je me souviens qu'il pense en italique, ça fait joli je trouve).

A l'occasion d'un dîner (déjeuner si vous avez voté Macron), j'ai confié ma perplexité à deux amies d'enfance : AC et M ont éclaté de rire "toi, une mauvaise mémoire, ça ne se peut pas, t'as toujours tout gardé en tête, depuis toujours, t'as la meilleure mémoire qui existe sans devoir faire d'efforts !" 

Sachant que nous sommes liées depuis nos 10 ans, j'admets qu'elles avaient un certain recul sur la question et que ce que j'avais cru être la norme ne l'était en réalité pas.

N'empêche, le constat était là : ma mémoire, même si elle est maintenant dans la norme, n'est plus "ce qu'elle avait été". 

Dans un premier temps, j'ai dû me défaire de l'angoisse que cela suscitait : prendre des notes lors des entretiens, me mettre des rappels dans l'agenda, consulter mon dossier avant certains cours, autant de choses que je n'avais pas l'habitude de faire parce que cela n'avait jamais été nécessaire. Le "pire", c'est probablement le fait que je n'avais jamais pris vraiment conscience du fait que mon entourage le faisait, tout ça, tout le temps !

C'est bête à dire mais il m'a fallu du temps pour composer avec cette réalité mais c'est chose faite maintenant, à tout le moins la plupart du temps.

En revanche, il m'a fallu trouver une autre stratégie pour retrouver le prénom du fils d'une collègue, le nom d'un peintre par exemple. Et ça, ça a été un long chemin pour moi, sérieusement : j'ai passé beaucoup de temps à dire "mais oui, tu sais, le mec qui...", "tu te souviens de la personne qui a...." parce que j'avais oublié, le trou, le vide, le néant, rien. 

A mon grand étonnement, la personne en face me disait très souvent "oui, oui, je vois bien mais je n'arrive pas non plus à retrouver le nom" tout en restant parfaitement sereine, sans marquer le moindre stress : c'était donc ça, la normalité ?

Parce que ces trous de mémoire étaient devenus anxiogènes pour moi - j'oublie, j'ai peur d'oublier, j'oublie encore plus, j'ai peur d'oublier encore", j'ai décidé de "m'écouter". 

Et "m'écouter" dans ce genre de situation, c'est de ne plus parler, prendre trois à dix secondes pour laisser venir l'image associée à ma recherche : le tableau en question, je ne devais plus le décrire, je devais le "voir mentalement". Et là, paf, Modigliani me revient (presque) facilement, ouff à nouveau. Pour le prénom du fils de la collègue, c'est pareil, à condition toutefois que j'aie déjà vu ledit fils, ce qui n'est pas toujours le cas, malheureusement.

Bref, tout cela pour vous dire que ma mémoire, si elle avait été encore bonne, je me serais souvenue que j'avais déjà fait moult billets (dont notamment 1, 2, 3) à son sujet : il se trouve que j'avais oublié, pardon ! 

J'espère que vous n'allez pas, vous, oublier de revenir me rendre visite, ici ou ailleurs ! 

A bientôt si vous le voulez bien.

Ah, pardon, zut, j'ai oublié la question rituelle : vous la devinez ?

Signé : Dory 

12 commentaires:

  1. Et oui, ma belle, nous prenons de l'âge !!
    La perte, tu as compris, temporaire, du nom/prénom est le premier signe.
    Ensuite, il faut compter avec 2 tyoes de situation
    - le sommeil avant tout. Si tu es en manque de manière chronique surtout … paf !! Les trous !!
    - le niveau de stress, parce que pour remémorer il faut prendre le temps de se poser

    Une petite dernière pour terminer.
    " Docteur, je suis amnésique "
    " Ah oui ? Depuis quand ?"
    " depuis quand quoi ?"

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    1. Ysengrain, tu mets comme souvent le doigt sur un "souci" : le manque de sommeil.... je vais donc me transformer en ours cet hiver et hiberner !

      Reste à me rappeler que j'ai ce projet !

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  2. Ah ben oui! Moi aussi m'dame, moi aussi! Bienvenue chez les normaux!
    Sauf que, comme te disaient tes pottes, les normaux, eux aussi, ont des trous de mémoire. Donc, la difficulté, c'est bien le différentiel entre avant et maintenant, augmenté de celui – pressenti – entre maintenant et après.

    Et?

    Ne sait-on pas depuis toujours qu'à partir d'un certain âge, certaines facultés ont tendance à baisser? N'est-ce pas juste normal? (J'te fais pas la leçon, hein; je me dis ça tous les jours à moi-même!)

    Personnellement, je m'applique à orienter le plus souvent possible mon attention sur ce qui a augmenté. Et aussi un peu sur ce qui est toujours là, alors que j'aurais pu en être privé (maladie, accident, héritage génétique...).

    Mais c'est vrai que vieillir n'est pas toujours facile. Ce d'autant plus que le mot même de "vieillir" est de plus en plus mal connoté. Mais ça veut dire quoi "être vieux"? Ne le sommes-nous pas tous, plus ou moins?

    "Mourir cela n'est rien, mourir la belle affaire, mais vieillir... ô vieillir" (Brel)

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    1. Le hic, c'est qu'au surplus, je trouve qu'il y a des tas d'avantages à vieillir : l'expérience de vie, voilà quelque chose qui ne se trouve pas dans les livres ! Et même si je ne cours plus les 10km, je plonge quand même toujours avec bonheur, les bonheurs se trouvent partout, reste à ne pas les oublier...

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  3. Quand tu as passé les tests de mémoire, j'imagine qu'on a posé la rituelle question, vraiment importante dans l'issue des ces examens: quel était le prénom de Madame Alzheimer ?

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    1. Voilà une chose que je n'ai pas pu oublier : je n'ai jamais eu connaissance qu'il était marié ! L'ignorance a parfois du bon !

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  4. Hihi!
    Je connais celui de monsieur, mais celui de madame, c'est du niveau supérieur !

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  5. Bonjour,
    C'est la première fois que je commente parce que je me reconnais dans ce problème. J'avais également souligné le problème à mon médecin. "J'oublie plein de choses alors qu'avant j'avais une excellente mémoire". Il m'a fait remarquer que j'oubliais surtout les choses que je ne jugeais pas essentielles. Quand je demande plusieurs fois à mes amis quand et où ils partent en vacances par exemple, je trouve ça vexant si je me mets à leur place.
    Si je fais le vide dans ma tête, certains détails me reviennent. Tout n'est pas perdu !

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    1. Valvita, bienvenue et merci pour ce premier commentaire. Je comprends bien l'hypothèse selon laquelle on oublie les choses non essentielles : le hic, c'est que dans mon cas, je suis capable de me souvenir de détails détails détails mais d'oublier un truc ultra important.

      Je te rejoins, "faire le vide" ça aide à se souvenir, étrange d'ailleurs.

      Je ne dirai donc plus "que la force soit avec toi", je dirai "que la mémoire soit avec toi".

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  6. Enfin !! Attention aux médicaments prescrits pour les troubles du sommeil, ils ont tous un impact négatif sur la mémoire ils sont tous dérivés des benzodiazépines (BZD); seule exception la mélatonine.
    Ce médicament a tellement d'effets secondaires digestifs qu'on évite de lui prescrire

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  7. Est-il rassurant de voir que l'on est pas seul(e) à avoir des amnésies, parfois ?
    Voici un texticule (mot de mon prof de français au collège, il y a des décennies de cela, qui faisait pouffer tous les gamins de ma classe au collège classique cantonal, encore sans filles, - devenu collège de Béthusy) d'une journaliste du Temps, écrit le 17 mai.
    Lien : https://www.mycloud.ch/s/S00AE16BD10307F5BA05DD8518CFDC9AE3E0CE7A1FF8420ABCF38786AEE1F5FC

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  8. Moi, ces trous de mémoire, ça me fait carrément mal à la tête, c'est affreux, j'ai le sentiment que ça chauffe dans mon cerveau.

    Ce qui fait que les choses empirent, c'est que l'on a des supports (les notes dont tu parles) qui nous font moins travailler certains domaines.

    Les prénoms chez moi (par exemple), c'est une horreur absolue! Avant d'aller chez quelqu'un que je connais pourtant bien, j'essaie de me remémorer les prénoms. Si ça ne va pas, je demande à Mme K si elle est à côté de moi.

    Elle, ça va! Faut dire qu'elle est bien plus jeune que moi.

    Et puis, c'est joli aussi quand tu parles en italique dans ta tête!:-)

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