mardi 20 mars 2007

Serais-je masochiste ?

A la question initiale, je réponds tout de suite par l'affirmative : oui, je dois avoir des penchants masochistes puisque, outre une légère tendance à l'anticipation que certains pourraient qualifier d'excessive, je vais, par le biais de ce billet, doublement perdre les rares lecteurs que compte ce blog. Doublement parce qu'il ne va intéresser ni les "non juristes / avocats", ni mes confrères / consoeurs.

Les premiers parce qu'ils ne sauront que faire de mes petites considérations juridiques et qu'ils préfèreront certainement des auteurs plus amusants, les seconds justement parce qu'il ne s'agit que de petites considérations et non de développements juridiques pointus.

Cette introduction - peu alléchante - entraîne immanquablement la question de savoir si un blogeur écrit avant tout pour lui ou pour un lectorat, question sur laquelle je reviendrai un autre soir, si vous le voulez bien.

Malgré la chute certaine de l'audience, je me lance, le sujet me tenant à coeur, pour vous entretenir du secret médical et du droit du patient à consulter son dossier.

L'art. 24 de la loi sur la santé publique (LSP, RSV 800.01) traite de la problématique du "droit d'accès au dossier du patient", indiquant que

"1. Le patient a le droit de consulter son dossier et de s'en faire expliquer la signification. Il peut s'en faire remettre en principe gratuitement les pièces, en original ou en copie, ou les faire transmettre au professionnel de la santé de son choix.

2. Ce droit ne s'étend pas aux notes rédigées par le professionnel de la santé exclusivement pour son usage personnel, ni aux données concernant des tiers couvertes par le secret professionnel.

3. Si le professionnel de la santé a des raisons de craindre que la consultation du dossier puisse avoir de graves conséquences pour le patient, il peut demander que la consultation n'ait lieu qu'en sa présence ou celle d'un autre professionnel désigné par le patient".

Cette disposition, d'apparence simple, appelle quelques remarques.

Tout d'abord, il convient de garder à l'esprit que le secret professionnel de l'art. 321 du Code pénal, dit secret médical dans ce contexte, ne s'applique pas au patient; en d'autres termes, ce secret médical n'est pas opposable au patient lui-même en tant qu'il est concerné.

Alinéa 1

L'alinéa premier prend toute sa signification lorsqu'un patient souhaite changer de médecin, peu importe sa motivation. Lorsqu'il sait déjà à quel autre professionnel il veut s'adresser, il peut faire simplement "transférer" son dossier, de "médecin à médecin". Lorsqu'il n'a pas encore fait son choix, il peut obtenir son dossier directement.

Cette remise doit se faire "en principe" gratuitement : ainsi, ce n'est que si le patient réitère sa demande tous les quinze jours qu'il est envisageable de demander une participation aux frais de copie. Le dossier peut aussi être remis dans sa version originale au patient, dans quel cas le médecin est autorisé à en conserver une copie, notamment en raison de son obligation légale de conserver durant dix ans tous les documents ayant déclenchés "une facturation".

Il est bien évident que la demande du patient à pouvoir consulter son dossier doit être traitée dans un "délai raisonnable", ce délai pouvant varier notamment en fonction de l'importance du dossier "en volume", du taux d'activité du médecin dans ce cabinet ou de l'ancienneté du dossier (est-il déjà archivé depuis plusieurs années ou encore "sous la main").


Alinéa 2

La notion de "notes personnelles" ne doit pas être comprise comme "tous les documents écrits à la main" : le seul fait qu'une note soit dactylographiée ne la transforme pas instantanément en "dossier du patient" et le caractère manuscrit n'est pas suffisant pour pouvoir soustraire un texte au droit de regard du patient. Le critère décisif ici est "la note est-elle nécessaire à la bonne compréhension du dossier ?" En d'autres termes, à part le "envoyer une copie de la facture du 11 novembre" ou le "annuler le rendez-vous de la semaine 21", il n'existe guère de "notes personnelles", n'en déplaise à certains médecins...


Alinéa 3

Cette partie est, à mon sens, la plus délicate puisqu'elle soulève en particulier la problématique de pathologies psychiatriques et celle de maladies graves, voire fatales. Ainsi, il se peut que les termes, corrects d'un point de vue médical, utilisé par le médecin dans le dossier, puissent "heurter" le patient, déjà fragile. Il se peut également que le patient se trouve encore dans une forme de déni de la maladie à laquelle il est confronté et qu'un diagnostic médicalement sans équivoque soit très difficile à supporter pour lui.

Toutefois, l'on peut aussi s'interroger sur la qualité de la relation qui existe entre le patient et le médecin qui doit faire appel à cette disposition pour exiger d'être présent ou la participation d'un autre professionnel. En effet, un patient ne peut faire des choix éclairés que s'il a été correctement informé de sa maladie, que s'il connaît les alternatives de traitement, les conséquences et les coûts liés à la prise en charge souhaitée. De ce fait, le patient ne devrait rien découvrir de "choquant" dans son dossier et aucune annotation (document, note, radiographie, bilans sanguins) ne devrait avoir de "conséquences graves" pour lui.

Rappelons, "pour la fine bouche", qu'un dossier ne doit contenir aucun jugement de valeur, qu'il doit être complet et correct.


Mais j'y songe : vous aussi, vous devez être un peu masochistes puisque vous venez de lire mon billet jusqu'au bout !

A bientôt si vous le voulez bien,

7 commentaires:

  1. je suis aussi un brin masochiste ;)

    je m'interroge sur la legislation en la matière dans mon pays...

    Merci chère Mary de m'obliger à aller lire des tas de pages de droit auxquelles je ne comprendrai strictement rien, alors que l'idée n'avait jusqu'alors pas germé dans mon esprit tordu...

    bien le bonsoir ;)

    RépondreSupprimer
  2. eillac ! Vraiment, là, je suis touchée : un commentaire à mon billet juridique, c'est trop la classe, ça !

    Et ta prétendue ignorance prouve au moins une chose : tu n'as jamais eu de déboirs avec des médecins qui refusent de te transmettre ton dossier.... et ça, c'est tant mieux !

    Mais pendant que j'y suis : tu ne voudrais pas nous en dire plus sur ton "esprit tordu" ? ;-)

    RépondreSupprimer
  3. Chère Mary,

    te laisser seule face à tes considérations juridiques, je ne pouvais décemment pas ;)

    Quant à mon esprit tordu, pour en faire savoir l'étendue, il me faudrait pour le moins devenir bloggeuse moi-même, et je ne saurais assumer la cuisante humiliation de ne compter que mon conjoint parmis les lecteurs ;)

    RépondreSupprimer
  4. eillac;)

    C'est certain, tu compterais au moins une lectrice : moi ! ;-)

    Et d'ici que tu ouvres ton blog, qui nous dit que ton fils ne serait pas capable de lire aussi ?

    Bises,

    RépondreSupprimer
  5. chère Mary,

    je suis dans un pays différent du pays et j'ai demandé i y a 2 jours mon dossier médical.
    Merci l'émission de radio qui conseillait de citer la loi machin (enfin, loi Kouchner chez nous de mars 2002).
    selon cette loi, je devrais avoir mon dossier sous 8 jours...

    j'attends et s'ils me reft le coup de ne me donner que le listing informatique, ils vont m'entendre!!

    Bisous

    RépondreSupprimer
  6. et pourtant ça ne marche pas toujours aussi facilement les tranferts de dossier... intéressant, ça peut servir un jour... merci!
    carole
    http://nipette.over-blog.com

    RépondreSupprimer
  7. J'espère que tu vas l'avoir fissa, ce dossier !

    RépondreSupprimer