Maintenant, je le réalise, j'aurais dû me méfier dès le début. Mais naïve comme je suis, je n'ai rien vu venir, rien du tout. Pas l'ombre d'un soupçon à son égard.
Parce que j'étais loin d'envisager que derrière son apparence simple, transparente, serviable, derrière ses formes rondes et lisses pouvait se cacher une nature aussi fourbe, aussi traître.
Maintenant, je l'admets, je n'aurais pas dû me mettre à l'ouvrage à 21h45, il y a des heures qui sont indues, il y a des moments pour tout dans la journée et là, de toute évidence, ce n'était plus l'instant propice.
Pourtant, je pensais la connaître par coeur et, à défaut de l'avoir comme alliée, la maîtriser un tout petit peu. Je croyais son usage automatique, sa présence indéfectible. Toujours fidèle. Une espèce de mélange entre "ami d'enfance" et "épagneul"....
Et, surtout, j'étais très loin de me douter que j'étais capable d'aligner autant de jurons en si peu de temps quand bien même ces vocables ne sont guère seyants dans la bouche d'une digne mère de famille.
Remarquez, le flot de jurons a été proportionné à la catastrophe qui s'est abattue sur moi, à cet instant fatidique où il a cédé sous mon geste énergique :
le couvercle de la jolie salière s'est détaché et son contenu s'est intégralement renversé dans mon ragoût de lapin qui mijotait à feu doux !
Moralité : ça ne paie pas de vouloir jouer à la mère modèle qui prépare déjà le repas du lendemain !
Et vous, côtoyez-vous aussi des objets maudits ?
A bientôt si vous le voulez bien,
Oui, ma belle-mère pendant tout le week end pascal...
RépondreSupprimerO vertige de la penderie béante sur l'alignement militaire des pelures incertaines aux senteurs naphtalines...
RépondreSupprimerJe hais les cintres.
Le cintre agresse l'homme. Par pure cruauté.
Le cintre est le seul objet qui agresse l'homme par pure cruauté.
Le cintre est un loup pour l'homme.
Il y a des objets qui agressent l'homme parce que c'est leur raison d'être.
Prenez la porte. (Non. Ne partez pas. C'est une façon de parler.)
Prenez la porte. Une porte. Il arrive que l'homme prenne la porte dans la gueule. Bon.
Mais il n'y a pas là la moindre manifestation de haine de la part de la porte à l'encontre de l'homme.
L'homme prend la porte dans la gueule parce qu'il faut qu'une porte soit ouverte, ou bleue.
Le cintre, lui, est foncièrement méchant.
Personnellement, l'idée d'avoir à l'affronter m'est odieuse.
Il arrive cependant que la confrontation homme-cintre soit inévitable.
Quelquefois, plus particulièrement aux temps froids, l'envie de porter un pantalon se fait irrésistible.
L'homme prend alors son courage et la double porte du placard à deux mains.
Il est seul. Il est nu. Il est grand.
Son maintien est digne, face au combat qu'il sait maintenant inéluctable.
Son buste est droit. Ses jambes, légèrement arquées. Ses pieds nus arc-boutés au sol.
Comme un pompier face au feu, il est beau dans sa peur.
Les portes du placard s'écartent dans un souffle.
Les cintres sont là, accrochés à leur tringle dans la pénombre hostile.
On dirait un rang de vampires agrippés à la branche morte d'un chêne noir dans l'attente silencieuse du poulain égaré au tendre flanc duquel ils ventouseront leur groin immonde pour aboucher son sang clair en lentes succions gargouillées et glaireuses, jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Cependant, l'attitude de l'homme n'est pas menaçante.
Simplement, il veut son pantalon. Le gris, avec des pinces devant et le petit revers.
L'oeil averti de l'homme a repéré le pantalon gris.
Il est prisonnier du troisième cintre en partant de la gauche.
C'est un cintre particulièrement dangereux. Sournois.
Oh. Il ne paie pas de mine.
En bois rose, les épaules tombantes, il ferait plutôt pitié.
Mais regardez bien son crochet. C'est une poigne de fer. Elle ne lâchera pas sa proie.
L'homme bande. Surtout ses muscles.
Il avance d'un demi-pas feutré, pour ne pas éveiller l'attention de l'ennemi.
C'est le moment décisif.
De la réussite de l'assaut qui va suivre dépendra l'issue du combat.
Avec une agilité surprenante pour un homme de sa corpulence, l'homme bondit en avant.
Sa main gauche, vive comme l'éclair, repousse le cintre pendu à gauche du cintre rose, tandis que sa main droite se referme impitoyablement sur ce dernier.
La riposte du cintre est foudroyante.
Au lieu d'accentuer sa pression sur la tringle, il s'en échappe brutalement, entraînant dans sa chute le pantalon, le gris, avec les pinces devant et le petit revers, celui-là même que l'homme veut ce matin parce que, non, parce que bon.
A terre, le cintre rose est blessé.
Rien n'est plus dangereux qu'un cintre blessé.
Dans son inoubliable "J'irai cracher sur vos cintres", Ernest Hemingway n'évite-t-il pas d'aborder le sujet ?
Un silence qui en dit long, non ?
L'homme, à présent, est à genoux dans le placard.
De sa gorge puissante monte le long cri de guerre de l'homme des penderies.
"Putain de bordel de merde de cintre à la con, chié."
Le cintre rose a senti le désarroi de l'homme. Il va l'achever.
Il s'accroche dans le bois d'un autre cintre tombé qui s'accroche à son tour dans la poignée d'une valise.
Il fait noir. La nuit, tous les pantalons sont gris.
L'homme, vaincu, n'oppose plus la moindre résistance.
Le nez dans les pantoufles, il sanglote, dans la position du prieur d'Allah, la moitié antérieure de son corps nu prisonnière du placard, l'autre offerte au regard de la femme de ménage espagnole.
Il souffre. Quelques gouttes de sueur perlent à sa paupière.
Il n'est qu'humilité, désespoir et dégoût.
Quelques couilles de plomb pendent à son derrière.
Il a soif, il a froid, il n'a plus de courroux.
"Donne-lui tout de même un slip", dit mon père.
Pierre Desproges.
On a le droit de manger du lapin le Vendredi Saint ?
RépondreSupprimerC'est peut-être un signe, Mme Poppins ! :-)
Mais Bonnes Fêtes à toute votre petite famille !
Ah Franklin, on voit bien là le connaisseur. Quel monument que ce sketch de Desproges!
RépondreSupprimerQuant à un objet maudit, je n'en ai pas un en particulier, mais, étant dans l'informatique il m'arrive aussi bien d'en être enchanté que de me demander quel masochisme me pousse à rester dans ce domaine...
L'objet maudit pour moi est l'aspirateur. Vous savez comme il est capable de se coincer perfidement dans les coins de l'appartement, d'enrouler son fil tout seul ou encore d'aspirer ce qu'il ne doit pas. Non vraiment, c'est réellement un maudit en puissance ;-)
RépondreSupprimerMoi qui pensais lire un article sur la neige... Ben non!!
RépondreSupprimerPour le sel: ajoute du sucre! lol blague a part: Rincer la viande et recommencer la sauce, c'est tout ce qui te reste a faire!
Et pour les objets maudits: non je crois pas en avoir, a part ma balance, qui, sans pitiée annonce tout les jours un poids bien trop élevée!!
Caesar Morituri, mes pensées t'accompagnent dans cette épreuve.... (moralité, je suis au moins certaine que là, tu ne vas jamais conseiller la lecture de mon blog à ta femme ;-)
RépondreSupprimerFranklin, un énorme merci : je ne connaissais pas ce texte, quelle découverte ! Finalement, c'est à se demander si Desproges ne se contredisait pas lui-même, en affirmant qu'on peut rire de tout.... des cintres de tout évidence pas ;-)
Mirou, qu'étais-je supposée manger ?
Monsieur Canard, ne me dis pas que tu envisages de te recycler en "homme au foyer à 100%"...
Sylphide, le secret serait d'avoir une femme de ménage, je suppose...
Claire, s'il te plaît, pitié, ne ne parle pas de balance, ok ? Plus jamais, jamais, jamais ;-)))
"Finalement, c'est à se demander si Desproges ne se contredisait pas lui-même, en affirmant qu'on peut rire de tout...."
RépondreSupprimerRemettons les choses à leur place.
D'abord, la citation exacte, maintenant dévoyée, est: "on peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui"
Ensuite, dans quelles circonstances a-t-elle été prononcée: c'est au "Tribunal des flagrants délires" hénaurme émission de radios qui invitait des gens publiques et leur faisait un procès pour rire. Le Président du Tribunal était Claude Villers, l'avocat Luis Rego et le procureur était Pierre Desproges.
Ce jour-là, l'invité était Jean Marie Le Pen. Et alors que les autres avaient été dans le moule de l'émission, un peu corrosifs mais gentils, Desproges, tout en restant lui-même, allume littéralement Le Pen, parsème son propos de piques assassines et termine son propos par une citation de Brassens:
Maudits soient ces enfants de leur mère patrie
Empalés une fois pour toutes sur leur clocher
Qui vous montrent leurs tours leurs musées leur mairie
Vous font voir du pays natal jusqu'à loucher
Qu'ils sortent de Paris ou de Rome ou de Sète
Ou du diable vauvert ou bien de Zanzibar
Ou même de Montcuq il s'en flattent mazette
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Que manger le vendredi saint ?
RépondreSupprimerAille aille aille !
C'est un jour de jeûne !
Bon, je crois me souvenir que la soupe aux légumes (avec beaucoup d'eau et pas trop de légumes) est tout juste tolérée par la morale...
C'est quand même le jour où ils ont mis Jésus sur la croix!
(bon personnellement j'ai mangé une entrecôte saignante délicieuse hier soir. Sauf qu'elle était trop salée, elle aussi. A mon avis il doit y avoir un truc pas net, avec tout ce sel..)
Ah ah!! Je sais comment venir hanter tes nuits!!
RépondreSupprimerComment te dire l'empathie que je ressens en te lisant...
RépondreSupprimerJe n'ai moi même jamais réussi à faire confiance à une salière, je verse toujours le sel dans le creux de ma main avant de le verser dans le plat/ sur l'assiette.
Courage pour surmonter cette trahison
Mah, viens ici que je t'embrasse : ta solution du sel dans le creux de la main est la voie de la sagesse, je vais l'adopter à l'avenir !
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