jeudi 26 février 2009

"L'important, c'est...

.... que mon enfant choisisse un métier qu'il aime" sera le discours officiel de tout parent.

Toutefois, je crois qu'il est difficile de faire abstraction, en son for intérieur, de son propre parcours dans ce domaine.

Ainsi, certains parents, universitaires, estimeront que le bonheur de leur rejeton passera forcément par la voie académique, tandis que d'autres, également bardés de diplômes mais très malheureux dans leur profession, présenteront à leur enfant toute la vacuité d'une faculté qui forme à longueur de Bologne des gens qui seront payés pour se tromper : connaissez-vous un seul économiste qui fasse des prévisions exactes ? Moi pas.

Il se trouvera autant de parents qui, frustrés de n'avoir pas pu, pour une raison ou une autre, décrocher un titre universitaire, feront pression sur leur descendance pour qu'elle accède à ce qu'ils verront comme un laisser-passer vers la "réussite". D'autres, au contraire, cultiveront, consciemment ou inconsciemment, la transmission de génération en génération "dans la famille, on est croque-mort de père en fils".

Et grand est alors le risque d'oublier un point crucial "et mon enfant, lui, qu'est-ce qu'il veut réellement ?"

L'autre jour, alors qu'une de mes connaissances posait à Junior cette question qui tue "et toi, tu veux faire quoi quand tu seras grand ?", je me suis surprise à penser "peu importe, pourvu que ta première formation te permette ensuite d'évoluer sans trop d'efforts". Non pas vers le sommet d'une hiérarchie, fumeuse et abstraite, mais vers des aspirations personnelles qui, forcément, vont se modifier au fil des années.

Et, spontanément, j'ai espéré qu'il ne veuille pas, un jour lointain, devenir ramoneur ou titulaire d'un master en grec ancien. Parce que, voyez-vous, je ne sais pas bien ce qu'on peut faire, une fois ramoneur, à part être ramoneur toute sa vie professionnelle durant; en outre, un master en grec ancien, franchement, à part l'enseignement, ça sert à quoi ?

Vous me direz que mes tribulations ne sont pas cohérentes avec mon propre parcours puisque j'en suis à ma quatrième profession : après une formation de traductrice, je suis devenue assistante de direction pour finalement me tourner vers le droit, lequel m'a fait devenir tour à tour juriste puis avocate.

Toutefois, je dois bien l'admettre, j'ai eu beaucoup de chance - mes parents ont eu la bonne grâce d'accepter ces revirements et les moyens de les tolérer -. Je considère également que j'ai eu de la chance parce que j'ai eu l'énergie de remettre à chaque fois l'ouvrage sur le métier. Ce qui a toutefois comme conséquence qu'aujourd'hui, à presque trente neuf ans, je n'ai que dix ans d'expérience professionnelle dans le domaine juridique et que, pour la première fois, je manque d'énergie pour atteindre ce que j'aimerais prendre maintenant comme voie dans ce vaste champ d'activités que l'on résume par "le droit".

En effet, il me faudrait un "MAS" (master of advanced studies), un "DAS" (diploma) ou un "CAS" (certificate) pour réellement m'éclater mais là, encore une fois 60, respectivement 30 ou 20 crédits ECTS, ça, non, je ne peux pas, j'ai assez "donné".

Moralité, je prie pour que Junior et Mini décident que leur première formation sera rock-star : après ça, on peut bifurquer sans trop de problème sur "espoir du cinéma", "star en promotion", "star en tournée", "star très décorée", "star adulée", éventuellement un jour et uniquement si nécessaire "vieille gloire" et "star déchue".

Mais à ce jour, c'est pas gagné : Junior a répondu qu'il voulait devenir "inventeur", pour offrir à sa grand-mère qui est en train de perdre la vue de nouveaux yeux. Mini, quant à lui, devrait trouver sa voie, je suis confiante : il a décrété qu'il ne travaillerait pas. Il peut donc devenir "j'ai fait un beau mariage", "riche", "super riche", "partant avec un parachute indécent", option "carnet d'adresses et plein de relations", avec le risque toutefois qu'il sombre dans le "je suis ruiné par la crise" : vous voyez, et je le disais déjà en préambule, on ne peut pas faire confiance aux économistes !

Et vous, quel impact votre famille a-t-elle eu sur le choix de votre profession ?

A bientôt si vous le voulez bien,

12 commentaires:

  1. Ce sujet est un modèle pour l'éducation dispensée aux enfants.
    Version 1: Est ce qu'être parent signifie qu'il faudra prendre les décisions pour l'enfant, jusqu'au moment où la rébellion naturelle liée à l'âge aidant ...
    Version 2: ou bien fut-il simplement donner les éléments de réflexion afin que l'enfant décide dans l'accompagnement et non dans la version 1
    Mes parents ont été comme beaucoup, entre version 1 & 2.
    Il avait été entendu, sans contrainte ou insistance et ça m'allait bien, que je ferais une formation en vue de préparer l'entrée à une école d'ingénieurs ENSAM (http://www.ensam.fr/)
    J'ai suivi le cursus, difficile physiquement car 38 heures de cours de la seconde à la terminale .... Le Bac, sans difficulté, puis la prépa.
    Après la première semaine, j'étais écoeuré du rythme effréné des math et de physique.
    J'ai un peu serré les dents, mais au bout du premier mois, en rentrant chez mes parents, un soir, j'ai dit: j'arrête, je fais médecine. Le rêve de mon père de me voir ingénieur avait pris fin. Quelques années après il était heureux de me voir réussir.

    J'ai acquis au cours des années quelques diplômes universitaires supplémentaires, et avant tout, et surtout, je me suis cultivé, pas forcément en matière médicale

    Mes enfants:
    J'ai vite compris que le fils ne souhaitait pas faire d'études, mais comme il n'osait sans doute pas le dire. Il est allé cahin-caha jusqu'en terminale, a raté le bac et a enfin fait ce qu'il voulait faire, et que nous n'avions jamais contraint: de la musique.
    Nous n'avons sans doute pas appris à notre fille le processus décisionnel, et une aide lui a été nécessaire pour décider d'un métier.
    Elle a voulu être médecin comme papa, ce dont je l'ai dissuadée, sans m'y opposer. Elle a chois un autre métier dans lequel elle excelle.

    citation: "Je considère également que j'ai eu de la chance parce que j'ai eu l'énergie de remettre à chaque fois l'ouvrage sur le métier. Ce qui a toutefois comme conséquence qu'aujourd'hui, à presque trente neuf ans, je n'ai que dix ans d'expérience professionnelle dans le domaine juridique et que, pour la première fois, je manque d'énergie pour atteindre"
    Bien sûr, le travail, l'ensemble de la famille à gérer, et 2 enfants à aider, à guider, qui sait, pour un choix professionnel ...

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  2. Pour ma part, je suis également avocate (droit des affaires) et issue d'un milieu plutôt modeste.

    Ma mère m'a clairement poussé à réussir et cette pression a eu quelques conséquences néfastes sur moi (j'ai notamment frisé la dépression sévère et je ne sais pas par quel miracle j'ai réussi à rebondir in extremis).

    J'adore mon métier, mais je ne souhaite pas reproduire sur mes enfants la pression constante (et dévastatrice) que j'ai subie.

    Pour l'anecdote, notre fils (3 ans depuis quelque semaines) a eu un apprentissage difficile de la propreté pour des raisons qui nous sont restées inexpliquées (et ce n'était pas faute de se remettre en question, de consulter et d'utiliser toutes les méthodes à notre portée). Eh bien, ma mère considère déjà cela comme un "échec" de notre petit garçon! c'est vous dire!

    J'espère toutefois trouver le juste milieu et ne pas devenir à l'inverse trop laxiste. Pour m'aider, je compte sur Monsieur qui à ce niveau a subit moins de traumatisemes que moi et donc est beaucoup plus lucide!

    Jennifer

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  3. Je pense pas d'impact particulier. On m'a simplement transmis le goût d'apprendre et la curiosité... Par conséquent j'ai fait des études de façon assez naturelle... Peut-être pas dans une branche idéale (en regardant plus les débouchés que les aspirations, on peut parfois s'éloigner de certaines choses).

    Et t'inquiète pas pour junior et les autres : moi je voulais être berger (pour ne pas avoir à me lever le matin, je sais depuis que j'avais bien tort de croire ça), inventeur aussi, pilote d'avion pour voyager (oui dans des aéroports...), marin (pour voyager aussi)... Retrouve-t-on l'arpenteur quelque part là-dedans. Sans doute : la nature, les voyages, l'invention par l'écriture...

    Mais le plus important n'est pas ce que l'on devient, mais ce que l'on est, et c'est le plus dur : savoir "quoi" ou plutôt "qui" être, plutôt que savoir que faire...

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  4. "savoir "quoi" ou plutôt "qui" être, plutôt que savoir que faire..."
    Bien sûr et cet aspect montre toute la difficulté de "l'élevage" des enfants.
    MP dit qu'à un moment de sa vie elle a manqué d'énergie pour atteindre.
    MP n'as tu pas déjà atteint un niveau plus que convenable professionnellement, qui plus ou moins directement te permet de guider tes enfants.

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  5. Tout ceci me fait penser à cet article :

    http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/02/13/bac-fac-grande-ecole-le-nouveau-cv-du-plombier_1154582_3224.html

    Bon fin de WE,
    Clément

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  6. Je pourrais écrire une thèse sur le sujet, croyez-moi! Mais je vous épargnerai les détails et irai à l'essentiel.

    Mon père est avocat. Barreau 1957. Toujours à l'oeuvre 52 ans plus tard, mais au ralenti. Il a 78 ans, et je ne lui connais que 3 semaines de vacances à vie. Voyage de noces, et 2 autres vacances de famille.

    Un amoureux de sa profession. Un respect immuable pour ce qu'il considère être encore aujourd'hui le summum de toutes les professions.

    C'est dans dans cet atmosphère que j'aurai grandi. Déjà, lorsque j'avais l'âge de Junior et de Mini, à la question "que feras-tu plus tard", je répondais sans réfléchir: avocat.

    Vous auriez du voir ses yeux lorsque j'ai été admis à la faculté de droit. Puis à la réussite de mon premier examen. Puis à ma graduation. Puis à mon admission au Barreau, puis à mon entrée au cabinet!

    Non seulement le suivai-je dans la profession, mais encore j'assurerais le futur du cabinet. Je prolongais le nom du cabinet pour encore 50 autres années.

    Vous demandez quelle influence tout cela aura eu chez moi? Énorme! Et oui, je parle d'influence. On ne m'ajamais incité directement. Mais seulement le fait de savoir qu'emprunter ce chemin tout tracé serait la plus belle chose qui lui arriverait.

    Bref. Assez d'autobiographie. Pusqu'en cela, j'entre bien à l'intérieur des statistiques. Les parents ne reproduisent pas seulement des enfants, ils reproduisent aussi des chemins, des traces que les enfants empruntent tôt ou tard.

    Je n'ai jamais choisi la profession que j'exerce. La vie me l'a tout simplement imposée à un âge où je n'avais pas les couilles asez solides pour choisir une autre voie, avec le prix de décevoir mon père.

    Mais là, je reviens encore dans l'autobiographie...

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  7. Mon père me voulait dans le commerce comme lui "Fais un BTS et lance toi disait-il"
    Ma mère : "point de salut sans un diplôme au moins Bac+5".
    En fait sans jamais avoir l'air d'y toucher elle m'a mis une pression d'enfer qui a abouti au fait que dans mon esprit je ne pouvais que faire des études supérieures longues. C'était l'état nominal.
    Après ça ne m'aurait nullement dérangé de le faire pour devenir ingénieur, j'en rêvais. Malheureusement les maths et moi ça a toujours fait 2. Question d'enseignement diront certains, de motivation diront d'autres, moi je dis surtout que c'est tellement abstrait à l'école que je n'ai jamais compris comment ça pourrait m'aider à construire un pont...
    Bref me voici après 2 Bac+5 et 12 ans de pratique avec un poste que beaucoup m'envient et moi un peu frustré même si je serais incapable de dire ce que je voudrais vraiment faire....si aller je me lance, ébéniste ou menuisier!
    Mon métier actuel? juriste...

    tchoutchou

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  8. Le sujet est intéressant. Du coup, au lieu de rédiger un commentaire long comme une note, je vais en faire une note tout court. Enfin, façon de parler.
    :)

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  9. Une autre vision:
    Ma petite fille de 4 ans me dit: "j'ai compris ce que tu fais comme travail, tu es docteur. C'est un travail très intéressant. Moi aussi je veux être docteur."
    Je lui réponds qu'il faut longtemps aller à l'école.
    "Moi je serai docteur sans aller à l'école" répond elle.

    Si ces choix infernaux pouvaient toujours se dérouler de cette manière ....

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  10. Qu'est-ce que j'ai pensé à vous, cet après-midi, lorsque je me suis entendue dire, par une petite jeune de 28 ans (environ), arrogante et mal préparée à l'entretien, que je n'avais aucune compétence en matière RH ! Je me suis permis de lui rappeler qu'il n'était pas de bon aloi de confondre "diplôme" et "compétences".... misère, si après 5,5 ans dans un service RH, je n'avais aucune compétence RH, il aurait fallu que je sois ou toujours ivre ou toujours absente ! Remarquez, on peut être ivre et absent....

    Levri, tu es, je crois, le seul parmi les intervenants à affirmer que l'impact de tes parents est nul : faire "l'opposé" de ce que faisaient ou attendaient les parents, n'est-ce pas aussi une forme d'impact ? Remarque, non, tu n'as jamais dit-écrit que tu faisais le contraire, c'est là pure spéculation de ma part.

    Franklin, c'est "amusant" de lire que pour certains parents, le choix de "médecin" puisse constituer, dans un premier temps, une déception ! Et dire qu'il existe tellement d'autres parents pour qui "je fais médecine" serait une douce musique ! Je suis surtout contente de lire que finalement a prévalu le plaisir de te voir réussir chez eux.

    Jennifer, je me permets de rebondir sur un "détail" dans ce que tu écris : je m'étonne qu'à trois ans, on considère déjà que l'enfant a un apprentissage difficile de la propreté. Peut-être s'agit-il là d'une différence culturelle mais je ne connais pas une mère suisse pour qui cet âge entraînerait le terme "difficile" si d'aventure, l'enfant ne devait pas être propre à cet âge. Le pédiatre voyait-il lui aussi là un échec ? J'en doute.

    Arpenteur, et tu inventes drôlement bien ! Et tu l'as dit si justement, certainement très bien placé : même lorsqu'on sait ce qu'on fait, il se pose quand même toujours la question de comment on le fait en fonction de qui on est. Je pense qu'il n'existe pas une mais des manières de pratiquer la médecine, pas une manière mais des manières de pratiquer le droit.

    Franklin, j'ai certainement atteint un niveau "convenable", la question est "j'ai envie de continuer à apprendre" mais à moindres "frais" : plus de samedis entiers à mon bureau, plus de nuits à bosser en sus de ma vie familiale et professionnelle. Quant à guider mes enfants, je pense que même si j'avais 17 diplômes et certificats en plus, je serais toujours aussi empruntée : le seul métier qui ne puisse s'apprendre mais qui s'improvise toutes les semaines, c'est parent !

    Clément, l'article m'a fait penser au parcours d'un gars qui avait fait droit avec moi. A peine avait-il terminé qu'il entreprenait une formation de coiffeur, disant à tout le monde qu'il avait rempli les attentes de ses parents et que là, merci, il faisait ce dont il avait envie !

    Omo-Erectus, je suis d'accord avec votre père : le droit est le summum de toutes les professions ;-) Et peut-être n'avez-vous pas eu les "couilles" (et je vous cite) pour vous opposer à votre père mais je suis convaincue que vous êtes devenu un excellent avocat ! Mais n'hésitez pas à l'écrire, cette thèse, je parie qu'elle aura beaucoup de succès !

    Tchoutchou, comme je le comprends, ce choix de menuisier : enfin un "truc" qui peut être solide, qui ne varie pas au gré des décisions d'entreprise, plus ou moins claires, au gré des marchés, plus ou moins fluctuents... Quant au coté "que les autres envient", si seulement il était suffisant pour faire le bonheur... Vous n'imaginez pas ce que j'ai pu entendre comme commentaires lorsque j'ai décidé de ne pas pratiquer comme traductrice / interprète pour devenir assistante de direction.... N'empêche, je me suis davantage amusée comme assistante que comme traductrice !

    STV, je dois avoir, quelque part, une sorte de traumatisme : lorsque je lis "note" dans un tel billet, je pense tout de suite à "école" et celles, misérables, que je ramenais en physique et en maths !

    Franklin, ta petite fille a une chose importante pour devenir médecin : la logique !

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  11. Après avoir demandé a Mini ce qu'il voudrait faire plus tard, il a répondu "de l'or", et moi je confirme qu'il ira loin ce petit.

    BigMama Junior

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