mardi 21 février 2017

Décoder

J'ai hésité entre la "lettre ouverte", comme par le passé, et le coup de gueule, la frontière entre les deux étant minces, je le concède volontiers, le résultat étant rigoureusement le même : j'en ai marre. 

J'en ai marre de ces "quelle chance tu as, toi, j'aimerais bien moi aussi pouvoir (à choix) aller à l'Oktogon, partir à Hambourg avec easyjet, aller courir le samedi au bord du lac ou partir en piste avec des copains pour refaire le monde en buvant moult bouteilles de Chianti et en mangeant des spaghettis alle vongole, passer un dimanche complet à regarder deux saisons complètes d'une série à haute teneur intellectuelle, je peux pas, y a Mari et Gosse(s)". 

Ce que tu ne vois pas, toi, c'est que ces sorties, c'est en quinzaine, parce les enfants ne sont pas avec moi mais avec leur père. Bon, c'est le lot des parents divorcés mais tu oublies juste deux ou trois petites choses à ne voir qu'une face de la médaille : il y a un revers. 

Il y a d'abord le fait que outre ma sortie au bain japonais de Yverdon, je suis passée par la case bureau le samedi matin, pour rattraper mon retard - forcément, la séance avec le prof de Junior, c'est à 15h15, il ne peut pas plus tard, "vous comprenez, après, je rentre à la maison" mais c'est bien sûr, moi, je peux en revanche allégrement partir à 14h45 du travail, facile. 

En outre, je suis seule aussi pour décider si oui ou non, là, sur le coup de 23h00, je descends en pédiatrie avec un enfant malade "que faire avec les deux autres, hein, ça, tu te demandes pas, toi, tu les laisses avec le père". 

Je suis seule pour tenir une ligne qui, sur bien des points, n'est pas partagée par le père, notamment en matière scolaire : c'est, comme tout le monde le sait, très confortable pour un enfant d'entendre "blanc" la moitié du temps et "noir" le reste, ça forge le caractère et c'est aisé à gérer pour un gosse de 7 ou 12 ans. 

Tu oublies les heures que je peux passer à essayer d'accorder mon violon avec le père des enfants, qui a d'autres priorités - qu'on ne se méprenne pas, c'est un excellent père nonobstant nos divergences abyssales - au sujet des accès informatiques, sur le choix des activités parascolaires, sur l'orientation professionnelle, la nécessité ou non d'un traitement orthodontique, "trois fois rien, peanuts, vraiment", ça ne me prend pas du tout la tête, j'adore ça, c'est mon côté maso qui s'exprime. 

Etre séparé-e / divorcé-e, c'est aussi manquer la moitié des vacances, c'est entendre les comparatifs incessants des enfants "avec Papa, on va louer une maison avec piscine pour les vacances", je sais, mes chéris, il y a juste que mes moyens financiers n'y suffisent pas, je n'ai pas son salaire mais les mêmes charges", chose que je ne leur dis évidemment pas, je suis maso mais pas sadique, ils sont déjà assez écartelés.

C'est devoir composer avec les commentaires acerbes de Ex-Mari faits devant les enfants à mon sujet et qu'ils me rapportent sans se rendre compte de ce qui se trame.

C'est aussi devoir régulièrement renoncer à des invitations, des formations, des cours parce qu'ils ont lieu "le week-end enfants" et que je ne peux pas les confier une journée complète à quelqu'un d'autre : quelques heures, parfois, ça rentre dans mon budget baby-sitting, au-delà clairement non, sans parler du fait que de toute façon, je ne les vois déjà pas assez souvent à mon goût.

Alors, vois-tu, mes week-ends en quinzaine, j'en profite parfois parce que je sais voir le verre à moitié plein : au lieu de gémir sur mon sort, à te raconter mes misères, je tente de jouir de ces moments pour me recharger les batteries. 

Et quand tu me demandes "alors, ça va ?", je réponds oui parce que dire non ne changerait pas les difficultés mais elles sont là quand même. 

Alors la prochaine fois, au lieu de me dire "quelle chance", donne-toi aussi les moyens d'aller suivre un cours, de partir aux bains thermaux ou dans une ville européenne avec des copines. 

Le "pire", c'est que je serais même prête à te donner un coup de main si tu as des soucis de garde pour ces escapades, tandis que toi, tu ne peux pas, "tu comprends, on monte au chalet, Jean aime aller en montagnes l'hiver, moi j'aime pas trop le ski".

Alors oui, toute situation a un côté pile et un côté face, j'essaie de voir le tien, je l'ai partiellement vécu, essaie une fois d'appréhender le mien. 

PS. Il y a des pères qui pourraient dire exactement la même chose à certains copains, ne voyez pas dans ma posture féminine la volonté d'affirmer que cette incompréhension n'existe qu'à cause de mon sexe ! 

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