mardi 11 avril 2017

Un sentiment

Le chagrin, la douleur, la peine, la tristesse, je sais ce que c'est : une vague, souvent une marée violente, un tsunami parfois, qui prend aux tripes, qui brûle la gorge, qui pique les yeux, qui tort les boyaux. 

La vie m'a aussi appris que cette étreinte, même de fer, pouvait parfois disparaître parce que le temps fait son oeuvre : je ne sais pas si c'est réellement une "oeuvre" mais c'est un constat, il est des épreuves qui nous mettent à terre mais dont on se relève. On marche alors moins vite, avec moins d'agilité, d'un pas plus retenu mais on marche quand même à nouveau, un jour. Ou une nuit, un matin, tout à coup. Vers la lune qui brille ou le soleil qui se lève.

Il est un "état" dont je ne sais en revanche toujours pas que "faire", que je subis : le sentiment d'impuissance. 

Et toutes ces dernières années, cette impuissance, je l'ai ressentie très souvent. Face à la colère et au désarroi de Junior (14 ans), face auquel je n'ai pas de réponse, pas de réels mots, juste des "je t'aime" parce que c'est ce que je ressens profondément à son égard malgré les colères, malgré le découragement, malgré l'abattement qui est parfois le mien - et le sien surtout -. 

J'adore l'entendre rire, j'apprécie chaque instant - et ils sont nombreux - où nous sommes complices, à plaisanter sur la politique, la mode, les gens, la musique, les films, parfois même sur l'école. 

Mais il y a aussi tous ces moments où je le sens "malheureux", en révolte, en recherche de.... de lui, de sa place, de son projet, d'un sens à maintenant, à se demander ce que "demain" veut dire, coincé entre ses aspirations et les contingences quotidiennes, notamment scolaires et de cohabitation avec des parents divorcés. 

Je me souviens qu'être enfant n'est pas toujours aussi facile que le pensent les adultes, je me rappelle que l'adolescence est une longue succession de montagnes russes mais n'empêche : je n'ai pas connu les tourments qui sont les siens, je n'ai pas vécu cette solitude qu'il ressent parfois. 

Et je suis impuissante. A espérer que le temps fera à nouveau son "oeuvre" : d'ici là, j'espère qu'il ne se perdra pas en route et qu'il trouvera bientôt sa lune, son soleil. 

A bientôt si vous le voulez bien,  


8 commentaires:

  1. Tu ne peux faire, ainsi que tu en donnes l'impression, la comparaison entre un élément vécu personnellement, intimement qui génère « chagrin, douleur, peine » et ce que tu décris de Junior que tu vis par procuration quand bien même ce garçon possède la moitié de toi et que ce qui vous unit est par essence et définition « l’essence même de l’amour »; mère-enfant: tout commence là.
    Le temps fera son oeuvre pour lui, lui qui n’est plus toi et toi qui n’est plus lui; la fusion mère-enfant, mentalement ça existe jusqu’à 2 ans environ.
    Mais oui, tu peux continuer à l’aider, en l’aimant comme tu l’aimes et « plus si affinités »

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    1. Je sais que tu as raison, Ysengrain, il se trouve juste que je ne sais pas que faire de ce sentiment d'impuissance que je ressens... Et ça prend de la place, l'impuissance, ça ne part pas comme une marée.

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  2. Je suis touché par ce que tu vis et dis de ton garçon et de toi.
    Parfois un grand-père ou une grand-mère représente une sorte d'intermédiaire, de passeur, qui sait ?

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    1. Landri, "adopter" un grand-père aurait été une merveilleuse idée, si seulement j'y avais pensé quand mes garçons étaient plus jeunes : les "titulaires" sont morts depuis... 20 ans au moins, dommage d'ailleurs. Les grands-mères sont géniales mais encore plus "envahies" émotionnellement...

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  3. Il y a presque 10 ans, lors d'un anniversaire de trentenaire, après plusieurs bouteilles, un autre trentenaire et moi nous sommes confiés à quel point nous admirions l'autre lorsque nous avions cet âge (14-15). Nous pensions à l'époque que l'autre était plus cool, avait plus de chance, de courage, d'amis, d'avenir (bien que par "avenir" nous pensions probablement "semaine prochaine"), de facilité avec les filles (les garçons ne faisait pas partie de ce tableau-là pour un ado fribourgeois du début des années 90). Bref, nous voyions l'autre plus cool que soi, alors que nous étions chacun tout seul, coincé dans notre peau, boutonneuse pour l'un, ventripotente pour l'autre.
    Une époque que je ne regrette pas, mais qui a finit par passer. Je ne sais plus quand exactement j'ai pu commençer à me sentir heureux. Mais c'est arrivé.
    Je souhaite de même à Junior. Et à vous. Et je suis confiant.

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    1. Mirou, à peu de choses près, j'aurais pu écrire le même récit : je me souviens comme si c'était hier - c'était après la 3e bouteille - que AC et moi avons constaté que "c'était l'autre qui était cool".

      Pour Junior, je suis parfois confiante, parfois angoissée, parce que je côtoie des professionnels en contact quotidien avec des jeunes en rupture : mon effort du moment porte sur le maintien du lien et par petites touches, ça marche. Tiens, demain soir, on va ensemble au cinéma (même si j'ai un peu de doute sur la qualité artistique du film retenu), on prendra du pop corn.

      Qui vivra verra, à suivre.

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  4. Merci pour vos messages, ils me font du bien.

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  5. Ce sentiment d'impuissance, je le rencontre aussi (comme chacun-e).
    La seule attitude que j'ai réussi à développer, et encore, y a du boulot, c'est l'apprentissage de l'acceptation. Ça commence par la prise de conscience intellectuelle que c'est normal. Je dirais même plus: c'est souhaitable. Parce que si je ne me sens jamais impuissant, alors c'est je me crois tout-puissant.
    Et là, ça craint!

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