lundi 30 avril 2007

Le masochisme, le grand retour !

Que je suis masochiste, je l'ai déjà confié ici même et peux donc, sans autre forme de "procès", me lancer dans une "plaidoirie" sur quelques dispositions de droit suisse.

Il était un jour une Constitution fédérale (Cst féd), commençant et par "au nom de Dieu tout puissant" et par un paradoxe pour un peuple et des cantons suisses qui sont "déterminés à vivre ensemble leurs diversités dans le respect de l'autre et l'équité" : le "respect de l'autre" impose, selon ma conception de la liberté, de ne pas parler d'emblée d'une religion qui n'est pas celle de tous et toutes. Remarquez, comme l'art. 15 Cst féd garantit la liberté de conscience et croyance, l'honneur est sauf, amen.

L'art. 123 Cst féd indique que "la législation en matière de droit pénal et de procédure pénale relève de la compétence de la Confédération". Ici, il est probablement utile d'indiquer que c'est par le biais de la Constitution fédérale que la Confédération et les cantons se sont "répartis le boulot", en d'autres termes "qui fait quoi" et "qui est compétent pour quoi".

Ainsi, puisque la Constitution fédérale attribue à la Confédération la compétence de légiférer en matière de droit pénal, le Code pénal (CP) constitue une loi fédérale, par "opposition" à une loi cantonale ou une loi communale. En d'autres termes et en raison du principe de la primauté du droit fédéral sur le droit cantonal, une loi cantonale ne peut régler elle aussi ce que le droit fédéral a déjà traité.

L'art. 321 al. 1 CP rend punissable, à certaines conditions, une violation du secret professionnel :

"Les ecclésiastiques, avocats, défenseurs en justice, notaires, contrôleurs astreints au secret professionnel en vertu du code des obligations, médecins, dentistes, pharmaciens, sages-femmes, ainsi que leurs auxiliaires, qui auront révélé un secret à eux confié en vertu de leur profession ou dont ils avaient eu connaissance dans l’exercice de celle-ci, seront, sur plainte, punis d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire".

Ici, quelques petites précisions avant de poursuivre mes tribulations.

a) La liste des personnes soumises au secret professionnel en vertu du CP est dite exhaustive et non exemplative. En d'autres termes, les professionnels qui ne sont pas cités expressément par cette disposition (par exemple votre ostéopathe ou votre opticien) ne peuvent pas être condamnés en vertu du code pénal en cas de violation du secret professionnel. Ce qui ne signifie toutefois pas qu'ils ne puissent pas être condamnés en vertu d'une disposition cantonale. Mais j'y reviendrai.

b) Le terme "auxiliaire" n'est en rien "péjoratif" et regroupe toutes les personnes qui "secondent" l'un des professionnels cités : ainsi, l'on pensera à la secrétaire de l'avocat ou au comptable du pharmacien. En bref, toutes les personnes qui sont suffisamment "proches" de l'activité de ces professionnels pour être à même de connaître les "secrets" des clients / patients. Le seul fait d'être un salarié d'une de ces personnes ne suffit donc pas : la femme de ménage d'un notaire, n'ayant pas accès aux dossiers, ne peut pas être considérée comme étant une "auxiliaire". En revanche, l'apprenti de ce même notaire peut l'être puisqu'il accède, de par ses activités, à des informations confidentielles.

c) Le secret dit "médical" est une "rubrique" du secret professionnel, qui est une notion plus large puisqu'il concerne notamment les "ecclésiastiques". Ainsi, dans le monde "des soignants", secret professionnel et secret médical sont synonymes.

Eu égard à ce qui précède, si un secret est dévoilé par l'un de ces professionnels
1. sans l'autorisation du client / patient,
2. sans qu'une base légale ne l'autorise à briser le secret (et l'on pensera ici notamment à l'art. 26 de la loi sur la protection des mineurs, la LProMin, bien connue des enseignants, infirmières scolaires, responsables de crèche, entraîneurs sportifs du canton de Vaud),
3. sans avoir été délié du secret par une "autorité supérieure",
il peut être puni "sur plainte" (par opposition aux infractions qui se poursuivent d'office), à "une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire".

Le "sort" de certains professionnels étant réglé, à savoir par le législateur fédéral, penchons-nous sur le "cas" d'autres acteurs du monde de la santé.

Dans le canton de Vaud, l'art. 90 de la loi sur la santé publique (LSP) indique que "les professions médicales au sens de la présente loi sont celles de médecin, médecin-dentiste, médecin-vétérinaire, pharmacien et chiropraticien". Elles font l'objet des art. 90 à 122 LSP (section II : professions médicales).

La LSP aborde ensuite, aux art. 122a ss les "autres professions de la santé" (section III), où l'on trouvera notamment les "psychothérapeutes non médecins" (art. 122a ss LSP), les "ostéopathes" (art. 122e ss LSP), les "sages-femmes" (art. 122h LSP), les "hygiénistes dentaires" (art. 123a ss LSP).

Pour en revenir au secret professionnel, l'art. 80 al. 1 LSP indique que "toute personne qui pratique une profession de la santé, ainsi que ses auxiliaires, est astreinte au secret professionnel".

Enfreindre cette disposition est passible d'une peine pécuniaire de CHF. 500.- à 200'000.- en vertu de l'art. 183 al. 1 LSP. Mais non d'une peine privative de liberté.

Et c'est là que commence mon "problème" (en d'autres termes, j'avoue ici publiquement que l'introduction a été quelque peu longue).

Qui sont les personnes qui pratiquent une "profession de la santé" au sens de l'art. 80 al. 1 LSP ?

Première hypothèse
Toutes les personnes du monde "médical" citées dans la LSP. Si telle est la réponse, comment peut-on soumettre certaines personnes à deux obligations de conserver le secret, une fois fédérale et une fois cantonale : en effet, le médecin, le dentiste, le pharmacien sont déjà soumis à l'art. 321 CP et ne peuvent de ce fait plus être soumis à une obligation cantonale, ceci d'autant moins que la ratio legis des deux dispositions est identique, à savoir "protéger la sphère privée du patient" (art. 80 al. 2 LSP), ce qui n'empêche pas l'art. 321 CP d'être plus "large" : "cette disposition a un triple but : protéger la personne qui se confie, celle qui exerce la profession protégée et l'intérêt public à l'exercice de ces professions dans de bonnes conditions" (C. Favre, Code pénal annoté, ad art. 321 CP, N. 1.1, p. 683, Editions Bis et Ter, Lausanne, 2004).

Deuxième hypothèse
Uniquement les professionnels cités aux art. 122a ss LSP (section III : autres professions de la santé). Cette deuxième hypothèse semble être plus "plausible" : en effet, il est judicieux et "logique" que l'ostéopathe et le logopédiste soient aussi soumis à une forme de secret professionnel, au moins sur le plan cantonal, puisque le législateur fédéral n'a pas réglé leur sort.

Toutefois, l'on rencontre alors deux autres "problèmes".

Le premier est qu'en excluant les professions dites médicales (au sens de l'art. 90 LSP), on exclut également le vétérinaire et le chiropraticien du champ d'application de l'art. 80 LSP, ces deux professionnels n'étant pas englobés dans la liste exhaustive de l'art. 321 CP. En d'autres termes, le chiropraticien et le vétérinaire ne seraient passibles d'aucune "sanction" pénale en cas de violation du secret professionnel.

Le second est le fait que la sage-femme est à nouveau doublement "citée", une fois dans les autres professions de la santé (art. 122h LSP) et une fois par le code pénal.

Troisième hypothèse
Les rédacteurs de la loi sur la santé publique se sont un peu "mélangés les pinceaux", ce qui n'est pas fondamentalement dramatique mais dommage pour un texte aussi important dans le domaine des droits des patients : un juge saura appliquer la "bonne" disposition à la "bonne" personne, le patient, en revanche, je doute fort qu'il soit capable de savoir sur quel pied danser.

A bientôt si vous le voulez bien,

17 commentaires:

  1. ben voila comment avoir mal a la tete, mais sans guule de bois... ni meme Champagne ou Bordeaux ...
    des bises

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  2. j'ai pu suivre ton premier élan de masochisme, mais là c'en est trop pour ma petite cervelle.

    Eillac la lâcheuse ;)

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  3. Je vous adore : laisser un message après un billet pareil, fallait déjà que vous soyiez de vraies copines ! Merci et ma foi, faut croire que je dois encore bosser un peu ma façon de présenter les choses et que j'ai manqué de clarté. Je tenterai de faire mieux la prochaine fois, promis !

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  4. Val, Eillac, vous me rassurez !
    Je voulais confier un secret à M'dame Popins, et je vois que vous avouez votre mal de tête publiquement.
    Mais je me demande...qu'en est-il du droit international ? Si je vais me faire retendre la peau dans 10 ans en Suisse, et que mon médecin raconte à tout le monde mon opération, et ma tête au réveil, vers qui vais-je me tourner pour faire valoir mes droits ??? Tu m'aideras, Madame Pop ??? Steuplè!
    Je t'embrasse quand même, et j'attends la prochaine chronique avec une petite appréhension...Un sujet léger me conviendrait ;-)))

    Anneciel (toujours anonyme, n'en déplaise à François !)

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  5. Argggg, Anneciel, tu mets le doigt sur une de mes nombreuses "faiblesses" : je n'y connais rien en droit international. Mais si tu te fais rajeunir en Suisse, promis, je t'aiderai. Dans l'intervalle, n'oublie pas que la vraie beauté, elle est.. intérieure ;-)

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  6. PS: les filles, le sujet de "dimanche", il semble plus "léger" mais est-il réellement plus simple pour autant ? ;-)

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  7. chere MP,
    Pour le sujet de dimanche, j'ai cru bon de respecter le secret "personnel" , afin de vous eviter la gueule de bois (sans champagne, ni Bordeaux toutefois) car suivre mezigue dans les meandres de ma logique bien particuliere vous aurrai fait risquer, a ttes, l'entorse la plus redoutee qui soit : La cerebrale.

    biz

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  8. Chère Val,

    Quel dommage (même si je respecte ton désir de "secret personnel") parce que même si je risquerais l'entorse cérébrale, je sais que j'aurais eu aussi de grandes probabilités d'en "apprendre" quelque chose : te sachant souvent dans le zag alors que d'autres sont dans le zig, il n'y a, à ne point douter, toujours quelque chose à découvrir ou à re-découvrir...

    Bises à vous trois,

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  9. Chers lecteurs, je me dois de vous dévoiler un stratagème.

    L'objectif évident de cet érudit article était certes d'exploser un point de droit très cher à Miss Poppins, mais, comme souvent chez les gens de loi, il portait également un but inavoué.

    A péril de mon couple, mon devoir est de vous le révéler.

    HTML

    Quoi ?

    Les lecteurs attentifs auraient dû remarquer que cette tribulation est la première du blog à utiliser le graissage, qui sur blogger nécessite l'utilisation de la balise HTML "b". C'est une première pour ma technophobe d'épouse qui démontre ainsi son incroyable capacité d'adaptation.

    Qui sait, bientôt de l'italique ?

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  10. Et après, on s'étonne que Mister n'ait pas le temps de me complimenter sur ma nouvelle jupe : il est trop occupé à médire ;-)

    Merci chéri d'exposer ce que tout le monde savait déjà : je ne suis pas douée en informatique !

    En droit probablement non plus puisqu'aucun commentaire n'a eu de "relent" juridique (faut dire que mes doctes confrères et consoeurs ont, eux, des histoires sérieuses à traiter).

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  11. c'est quoi chez vous un hygéniste dentaire??!!

    Bizzz la graisseuse :-)

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  12. Quand je pense...

    Mais quand je pense!!!

    Que tu oses me reprocher parfois d'être trop technique sur Cuk.ch, et de ne rien comprendre à ce que l'on écrit…

    Je me disais que ça devait être terrible, de ne pas comprendre ce qu'on lit.

    J'en ai la confirmation aujourd'hui, mais dans l'autre sens…

    Yapâ. Juriste, c'est un métier!

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  13. c'est un vrai cours de droit dont tu as le secret que tu diffuses là je pourrai l'envoyer directe à mon équipe d'IPE mais bon on va pas mélangé travail et plaisir masochiste....à plus

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  14. Atrop', c'est la personne qui s'occupe des dents lorsque celles-ci ne nécessitent pas les connaissances d'un dentiste : détartrage en particulier. Dans mon classement des personnes que je "déteste" le plus, elle (ce sont généralement des femmes) juste après le/la dentiste, c'est dire ;-)

    François ;-)))) Et dire que j'avais failli proposer ce billet sur cuk pour faire moins "Christine Bravo".... Et heureusement que c'est un métier : comme "hobby", ça serait un peu ardu !

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  15. Nicole, pchhhhht, ne diffuse pas que je suis "maso", ça serait pas bon pour mon "image" ;-)

    Bises et à bientôt,

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  16. Bon, encore à la bourre comme d'habitude, mais au moins il y aura eu un commentaire juridique : en France, le secret professionnel couvre toutes les professions. Du moment que vous avez eu, dans le cadre de votre métier, accès à des informations confidentielles, vous ne devez pas les révéler (exemple du peintre en bâtiment qui voit son employeuse recevoir un autre homme que son cher époux dans la journée).

    Et j'ai aussi le mal de tête.

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  17. Archeos, je suis désolée pour le mal de crâne mais franchement, tu l'as un peu cherché, en venant lire d'aussi "vieux" billets ! ;-)

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