lundi 16 juillet 2007

Brève de bureau 2

Après une brève de bureau 1 assez "joyeuse", une deuxième, moins "amusante"...

A la cafét, avant ou après une réunion, sur le parking, dans la cage d'escaliers, à choix.

- T'as vu ?
- Non, quoi ?
- Henri !
- Quoi, Henri ?
- Il est parti !
- Comment ça, il est parti ?
- Ben ouais, à dix heures, il avait rendez-vous avec DRH et à onze heures, il était loin.
- Comment ça, loin ?
- Son bureau est vide et y r'viendra pas.
- Comment ça, y r'viendra pas ?
- Ben ouais, on m'a demandé de faire la présentation des comptes, la semaine prochaine et ça, normalement, c'est lui qui fait. En plus, je l'ai vu partir, il avait son yucca sous le bras !

Là, grand silence, lourd et inquiet entre les protagonistes. Henri, parti..... Donc, en clair dans le texte, viré. Et qui dit "viré à onze heures après un entretien avec DRH à dix heures" dit forcément "faute grave", non ?

Ben non, justement, pas toujours.

Bien sûr, il se pourrait que Henri "ait été parti" séance tenante parce qu'il avait eu la mauvaise idée de s'octroyer une augmentation salariale "non convenue" avec la direction ou parce qu'il a transmis à Concurrence Acharnée SA des informations cruciales.....

Donc, que son départ repose, en droit suisse, sur l'article 337 CO (code des obligations). Lequel ne stipule pas quelles fautes peuvent conduire à une telle résiliation immédiate des rapports de travail, le législateur précisant uniquement que la faute doit être grave et que, selon les règles de la bonne foi, il ne puisse pas être exigé de la partie qui résilie de maintenir les relations contractuelles. La gravité d'une faute s'apprécie selon moult critières, dont notamment le niveau de formation, l'expérience, l'importance des responsabilités, la durée de l'engagement.

Ce départ "précipité" aura comme conséquence que Henri ne touchera son salaire que jusqu'à la date de son licenciement (+ le solde éventuel de vacances et d'heures supplémentaires).

Il se peut aussi que Henri ait été licencié dans le respect des délais contractuels (généralement un mois durant la première année de service puis trois mois ensuite) mais qu'il ait été simplement libéré de l'obligation de fournir sa prestation, à savoir son travail. Il percevra son salaire jusqu'à la fin du délai, "comme s'il travaillait", aucune faute grave ne lui ayant été reprochée.

Nombreux sont les employeurs qui optent pour cette libération de l'obligation de travailler pour des motifs divers, en particulier le fait, notoire, qu'un collaborateur dont le contrat a été résilité, n'est généralement guère motivé ou encore parce qu'il peut nuire à l'image de l'entreprise, surtout s'il est en contact avec de la clientèle ou encore parce qu'il peut "gêner" le travail de ses collègues.

Il se pose alors la question du solde de vacances : peut-il être considéré comme étant pris durant la période de libération de l'obligation de travailler. A cette question, comme si souvent en droit, il convient de répondre un prudent "ça dépend". Du fait, tout d'abord, que le courrier de résiliation doit préciser ce qu'il advient du solde de vacances; ensuite, du fait que le délai de résiliation doit être suffisamment long pour permettre au collaborateur de s'organiser, justement dans le but de prendre des vacances : des vacances sont plus simples à prévoir en été, lorsque le reste de la famille prend aussi des jours de congé plutôt qu'en plein mois de novembre, quand ni les enfants ni le conjoint n'ont de vacances. La doctrine exige généralement un délai de trois mois minimum pour qu'il soit possible d'exiger du collaborateur qu'il prenne ses vacances durant cette obligation de travailler (voir à ce sujet notamment C. Brunner, JM Bühler, JB Waeber, C. Bruchez, Commentaire du contrat de travail, 3e éd, N13 à l'art. 335 CO, p. 227 et N3 à l'art. 329c CO, p. 170).

De plus, dans l'hypothèse où le collaborateur retrouvait du travail très rapidement, il a l'obligation d'en informer son employeur : il ne saurait percevoir deux salaires. Si le nouveau est moins élevé que celui qu'il touche, la différence devra être prise en charge par l'ancien employeur jusqu'à la fin du délai de congé.

Finalement, si un cas d'accident, de maladie ou de grossesse devait survenir durant le délai, il y aurait report du terme, autant de "choses" qui ne sont pas possibles en cas de licenciement avec effet immédiat.

Moralité : avant de penser que c'est forcément Henri qui a détourné l'argent de la cagnotte de la cafét, attendez de savoir ce qu'il en est réellement, ok ?

A bientôt si vous le voulez bien,

26 commentaires:

  1. chere madame poppins, un site que vous aimerez j'en suis sur, et un livre que vous devorerez comme je m'apprete a le faire en septembre

    http://www.travailleravecdescons.com

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  2. Voilà, ça, c'est du droit pour ma petite pomme! Là, j'ai lu (avec beaucoup de plaisir) de bout en bout et tout compris! :-)

    ooooh...! Devriendrais-je intelligent ou est Madame Poppins qui est particulièrement douée? J'opte TRES facilement pour la seconde solution avec une mention spéciale "en plus d'être douée, elle sait particulièrement bien s'adapter à son public".

    En tous cas, merci! Très instructif!

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  3. Tiens, tiens, tiens. Les règles que vous décrivez là sont bien différentes de celles qui s'appliquent de ce côté-ci de l'Atlantique, au Québec plus particulièrement.

    De par chez nous, un salarié qui justifie d'un an de service continue pour le même employeur ne peut pas être congédié sans cause juste et suffisante. En cas de contravention de l'employeur, celui-ci s'expose à des recours judiciaires et le tribunal a la discrétion de réintégrer le salarié dans son emploi ou de lui accorder de généreuses compensation financières.

    Si le congédiement repose sur des motifs justes et suffisants, le salarié n'aura droit qu'à sa paie de vacances.

    Et vlan!

    Serions-nous ici sous l'influence des américains dont les lois sont à l'avantage du patronat?

    J'ai bien hâte d'entendre le fort séduisant et futur juriste Khannibal sur le sujet !!!

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  4. Vu l'heure tardive, le "fort séduisant et futur juriste" mais néanmoins pas (encore...) cannibale n'a pas grand chose à dire tant son cerveau ne s'est pas encore remis de ses émotions fortes que lui ont prodigués les attractions d'Europa-Park ce dimanche (par 36°C attention).

    Mais je le pousserai dans ses derniers retranchements de manière à ce qu'il affirme et clame haut et fort qu'il est d'accord. Oui mais avec quoi ?

    Si justes motifs il y a, je suis assez pour un "mort aux vaches" envers l'employé. Encore faut-il définir les justes motifs (le TF s'en est chargé, je pense, mais je n'ai pas envie de chercher dans les ATF maintenant). Un employé qui ne respecte pas les art. 2ss CC (bonne foi, etc.) ne méritent AUCUNE compassion de la part des supérieurs. Je sais, je suis sec, mais s'il y a bien une chose qui me met hors de moi dans ce monde pourri, c'est l'irrespect.

    Je trouve normal aussi qu'on paie le salaire de l'employé (même s'il ne travaille pas) qui n'a "rien fait de mal". De cette manière, il pourra se mettre en quête d'un nouveau travail de manière moins "stress" car sachant qu'il ne sombrera pas dans la misère 2 jours plus tard.

    Bref... Ce petit article doctrinal fait du bien avant d'aller se coucher (heureusement que je ne travaille pas demain). Ca me maintient dans le bain juridique, c'est parfait. Merci Mary ! :-)

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  5. j'ai lu quelque part une jurisprudence qui disait que même dans le cas d'un licenciement ordinaire avec libération de l'obligation de travailler, l'employeur devait quand même prendre des gants pour justement éviter que le licenciement ressemble à un licenciement immédiat pour justes motifs car celui-ci sous-entend justement que l'employé a commis une faute grave alors que ce n'est peut-être pas le cas ... je regarderai au bureau si je trouve les références ! Conséquences pour l'employeur : tort moral admis pour l'employé, avec indemmnités y relatives je crois.

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  6. Chrysante, je suppose qu'il s'agit du cas où le fait que le collaborateur ne travaille plus lui porte préjudice, notamment dans des domaines où sa "visibilité" est importante, comme pour un mannequin : le fait qu'il ne soit plus vu nul part durant un laps de temps important conduit à une baisse de son employabilité en raison de sa baisse de "popularité". Et volontiers pour la référence, si tu la retrouves !

    PS: désolée, hein, chers - chères pairs, je sais qu'on ne devrait pas écrire de billets "juridiques" sans doctrine mais je n'aime pas prendre tous mes bouquins à la maison et au boulot.... je bosse ;-)

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  7. "Donc, que son départ repose, en droit suisse, sur l'article 337 CO (code des obligations). Lequel ne stipule pas"

    http://www.olf.gouv.qc.ca/ressources/bibliotheque/officialisation/terminologique/fiches/1299075.html

    :o))

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  8. Ah, Contra, qu'il est doux, le travail de l'inspecteur des travaux finis ;-) Merci pour cette précision : je n'aurais définitivement pas dû abandonner mes études de linguiste ;-)))

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  9. bah moi qui voulais me remonter le moral... c'est mort!
    je vois que le droit Suisse le droit Français sont à la fois similaires mais aussi tellement différents.... instructif. Merci ma belle!

    Khalam

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  10. euh ... c'est quoi un yucca ...???

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  11. desolee MP, je n'avais rien a dire .... ;-) je lis et m'instruis, mais pour discuter droit, j'en suis loin !

    Bisous
    Lunap

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  12. mais - euh - je n'interviens pourtant qu'en présence de lapsus rédhibitoires :o))))

    Par exemple ici (1er paragraphe) :
    http://www.christelleluisier.ch/wp-content/questionnaire_broye.pdf

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  13. Et dire qu'à la compta,j'ai parfois l'impression que le Yucca......c'est moi....dis....on peut virer un Yucca ???
    Ha le droit du travail....vaste sujet

    Bises du matin

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  14. Mme Poppins, non, je pensais vraiment au cas où l'ensemble de l'entreprise avait pensé que l'employé avait été viré pour faute grave alors qu'il avait simplement été libéré de son obligation de travailler ... et c'est sur cette base-là et non pas son éventuelle visibilité extérieure qu'il avait obtenu gain de cause, me semble-t-il, aux Prud'hommes ... je cherche la référence, mais ne la trouve point ... je reviens dès que je l'ai ;-)

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  15. Anonyme, bouhhhh, y marche pas, le lien !

    Grizzli, finalement, ce blog va montrer au grand jour ma véritable nature : ravie de recevoir des compliments ;-)

    Omo-Erectus, en droit suisse, le motif du licenciement ne doit pas être abusif, ce qui ne signifie pas qu'il ne puisse pas être "léger" (peu consistant).... En droit suisse, le juge ne peut pas prononcer la réintégration de l'employé dans l'entreprise.

    KHannibal, c'est rien que pour ça que j'ai eu des enfants : pouvoir me servir d'eux pour aller notamment à EuropaPark un jour ! ;-) J'espère que tu t'es bien éclaté !

    Khalam, finalement, les brèves de bureau, je crois que ça serait mieux qu'elles soient "joyeuses comme le tire-lait" ;-)

    Lunap, en fait, c'est la question la plus pertinente puisque j'ai "pompé" une photo qui a un copyright.... faut que j'en cherche une autre mais je trouve pas... sos, qui a une photo de yucca ! ;-)

    Ysa, ce qui est certain, c'est que tu es une belle plante ! Allez, grosse bise !

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  16. Chrysante, tu reviens même si tu ne la trouves pas, hein !? Mais je vois ce que tu veux dire : c'est bien pour ça que j'ai conclu mon billet en disant "attendez de savoir ce qu'il en est réellement", sous-entendu "l'entreprise dans laquelle vous travaillez est capable de communiquer un minimum via justement le fameux DRH...." (je sais, on peut rêver...).

    Mais quand même volontiers pour la réf !

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  17. Ah là là ... dire qu'il faut que je mette un commentaire ici pour que tu écoutes mes conseils ...

    Alors, pour le yucca, tu cliques là : href=http://www.flickr.com/search/advanced/ et tu n'oublies pas de cocher la case Creative Commons en bas du formulaire.

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  18. Oups, il faut pas mettre de href dans blogger ?

    Le lien qui marche :

    http://www.flickr.com/search/advanced/

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  19. Voilà la référence : 4C.259/2004 du 11.11.2004, et le résumé trouvé sur le site de la FER-GE :

    "La faculté laissée en principe à l'employeur de dispenser l'employé de son obligation de travailler doit être exercée de manière non attentatoire à sa personnalité.

    Récemment, le Tribunal fédéral se prononça sur le cas suivant. Un employeur licencia un employé, après treize ans de service, pour raisons économiques. Sitôt informé oralement de son licenciement, le salarié fut raccompagné par l'employeur jusqu'à sa place de travail afin d'y récupérer ses affaires personnelles. Puis l'employeur lui demanda de quitter sur-le-champ l'entreprise. Le travailleur n'eut ainsi pas le temps de prendre congé de ses collègues. Considérant que cette manière d'agir portait atteinte à sa personnalité, le travailleur déposa une action en justice. L'employeur fut alors condamné à lui verser 2000 francs à titre de réparation du tort moral. Pour le TF, ce n'est pas la libération de l'obligation de travailler qui constituait une atteinte grave à la personnalité, mais le caractère immédiat et encadré de cette libération, qui pouvait laisser planer une ambiguïté quant aux motifs du licenciement." (Juliette Jaccard, SAJEC, FER)

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  20. et l'hypothèse démission oubliée?
    en tous les cas, le hic du v"cu collègues, pas de au revoir rien...

    tu noteras mon application à ne parler droit dans ce blog ou beaucoup de juristes surfent

    mes cours sont loin.

    anonyme du message 1, merci pour ton lien, il animera ma pause dej

    des bises

    Pascalou

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  21. Mary, tu devrais créer un forum juridique ou demander à Mr Cuk de créer une section "droit" sur le sien ! ^^

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  22. Chrysante, merci beaucoup pour la référence ! Faut que j'imprime ça et que je l'ajoute à ma petite collection !

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  23. Bon, voilà le problème du yucca copyrighté résolu ;-)

    Merci Mister pour le tuyau !

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  24. Est-ce que ça vous dirait d'interpréter, à votre tour, mon rôle d'inspecteur des travaux finis ? :)

    Que pensez-vous de ce billet ?

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  25. "No suitable nodes are available to serve your request" voilà ce que me dit mon ordi quand je clique sur le lien (et je pige même pas ce que ça veut dire, c'est dire)! Damned ! Je vais essayer ce soir depuis un autre ordi et donnerai des niouzes, ok ?

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  26. J'ai vu... j'ai fait le choix d'un hébergement gratuit, voilà la conséquence :) Je devrais peut-être essayer blogger ?

    Le message veut dire un truc du genre que la mémoire virtuelle de l'hébergeur a atteint ses limites.

    Désolé, quand j'ai posté le message, tout jouait encore.

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